[V] Le verbe fuir.

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
Bherir
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Inscription : 31 juil. 2008, 17:15

[V] Le verbe fuir.

Message par Bherir »

- Je n'en reviens pas!
- Calme toi, Bherir, ça ne sert à r...
- Ah, ferme la, toi! Si ton crétin de frère et toi avaient une simple once de matière grise dans vos foutues caboches, ces attardés d'eldorians ne nous auraient pas mis le grappin dessus!
- Mais... Nous avions faim, nous n'avons fait qu'un f..
- ... Qu'un feu qui leur a permis de trouver le camp!


Bherir était furieux. Il tournait en rond dans cette cellule humide où la lumière du jour n'était sûrement jamais entrée. Il bouscula du pied un rat qui rôdait en quête de quelques croûtes de pain. Ce cachot avait tout pour plaire.

- Et en plus j'ai perdu mon arbalète! Fulmina Bherir.
- Et moi, mon frère est mort.


Le sinan soupira. Son camarade avait beau être un parfait incapable, les eldorians avaient été sans pitié, ce qui était bien compréhensible vu les méfaits qu'ils avaient accompli sur leur terre. La garde eldorianne avait tué tous les autres soudards que Bherir avait engagé, y compris le jeune frère de ce malheureux, qui lui aussi, était une œuvre d'art d'incompétence.

Cela faisait maintenant six mois qu'ils truandaient sur le territoire de leurs ennemis héréditaires. Bherir n'en était pas à sa première aventure, loin de là. Mais ses cinquante fingeliens lui durcissaient les articulations et mettaient du brouillard dans ses yeux. D'ailleurs, l'humidité de cette cave suintante lui donnait un mal de dos terrible.

Bherir s'assit sur l'une des paillasses qui sentait l'urine.

- La gilde va être furieuse.
- Tu... Tu crois?
- Evidemment, crétin. Non seulement nous n'allons pas rentrer, mais en plus, si nous rentrons, nous n'aurons aucun butin, rien. Sans compter qu'ils sont tous morts. Ils ne nous feront pas de cadeaux eux non plus.


Le camarade de Bherir commença à gémir un long moment avant de s'endormir comme s'il avait pris un coup de poing. Ce que Bherir aurait beaucoup aimé faire, soit dit en passant.



Plusieurs jours passèrent. Il était bien difficile de compter les heures dans un endroit continuellement obscur. Le sinan soupirait sans cesse. Ses pensées vagabondaient.
Ils pouvaient tout. Ils pouvaient lui envoyer des assassins afin qu'ils n'en disent pas trop aux eldorians. Bherir en savait peu, mais suffisamment pour déclencher des conflits entre les sinans et eldorians. Il frémit à cette idée. Il se fichait bien de l'honneur, au combat, il n'y avait pas d'honneur, ce n'était qu'un mensonge inventé par les hommes, pour continuer encore et encore à se cogner sur la tête. Par contre, il tenait à la vie, même si son corps répondait de moins en moins depuis un petit nombre de fingeliens.

Un coup sourd se fit entendre derrière la porte. Il se redressa sur sa couchette et se protégea les yeux quand une personne de petite taille ouvrit la porte.

- Bherir! Magne toi, tu veux? J'ai autre chose à faire que de sauver de vieux amis!
- Hudrir?


Un nain de forte carrure se tenait là, sa barbe rousse était hérissée et il avait l'oeil vif.

- Qu'est ce que tu fiches ici?
- On m'a dit que tu étais dans les ennuis. J'ai quitté le village de ma sœur et je suis arrivé aussi vite que j'ai pu. Ça n'a pas été facile.


Ils sortirent tous de la prison, une vraie opération coup de poing. Plusieurs gardes avaient été assommé. Gardes que Bherir s'empressa d'alléger de leurs soldes le plus rapidement possible.

- Tu crois vraiment que c'est le moment? grogna Hudrir.
- Absolument pas, mais on appelle ça: "préparer l'avenir".
- Sinan...


La fuite fut assez chaotique. Un des gardes eut l'idée de donner l'alerte, ce qui provoqua un tel désordre que les archers présents ne comprirent pas vraiment où se déroulait l'action. Bherir s'adonna alors à l'une de ses activités préférées, la course à pied. Ils l'avaient, lui et Hudrir, pratiquée de nombreuses fois pour se maintenir en bonne santé. Il faut dire qu'avec une garnison de soldat à vos trousses, votre espérance de vie a tendance à baisser, pire que fumer la pipe seize fois par jour.

Plusieurs heures après, ils se retrouvèrent tous les trois loin de tout, perdus dans une forêt isolée.

- Mon vieux Bherir, tu t'es mis dans les ennuis.
- On dirait que toi aussi. Tu viens de forcer une prison à toi tout seul, tu joues souvent à ce genre de jeu?
- Non, pas vraiment. Mais les eldorians sont mous, je suis petit et tu m'as appris quelques trucs, dans le temps.
- C'est vrai...

Un temps lointain. Ils étaient jeunes et Bherir n'était qu'un sinan qui ne réfléchissait pas trop mais qui avaient quelques talents. Il était assez indépendant et voyageait beaucoup. Hudrir et lui montèrent un groupe d'aventuriers qui ne tuait que rarement. Une philosophie qu'ils avaient conservé, le sang est mieux à l'intérieur des hommes, pas sur le sol.
Faire les quatre cents coup les avaient finalement fatigués et chacun poursuivit sa route, plus ou moins honnêtement.
Hudrir était l'un de ces aventuriers fort et intelligent qui sont passés à côté de nombreuses occasions de rentrer dans la légende. Le genre de type qui aurait pu aller loin s'il n'était pas tombé dans l'alcool et ce genre de choses qui vous rabaissent n'importe qui au rang des rats qui traînent dans les égouts.

Le jeune compagnon de Bherir prit la fuite quelques jours plus tard, suite à une nouvelle série de courses dans la forêt pour échapper aux soldats des eldorians. Il ne ferait sûrement pas long feu et serait abattu rapidement.
Il fallait partir. Il n'avait plus le choix. Traqué par une armée de taille respectable, sûrement pointé du doigt, voire bien pire que ça, par la gilde des voleurs, Bherir quitta l'endroit et suivit les bons conseils d'Hudrir.

Les îlots centraux étaient une sacrée aubaine pour se cacher et se refaire une vie. Sans compter les opportunités pour un sinan tel que Bherir.

- Tu ne viens pas, Hudrir? demanda Bherir
- Oh, tu sais, ce genre d'aventure sinane, ce n'est vraiment plus pour moi. Je me suis rangé, hein.
- Je suis au courant. Tu n'as pas tort, dans le fond.
- Mais vas-y, mon neveu a tenté le coup, il commence enfin à devenir un vrai nain aventurier, là bas.
- Si tu le dis... Je lui passerais le bonjour.
- Oui, il s'appelle.. Ton bateau, Bherir, il va partir! Ils ont largué les amarres!



Bherir regarda Hudrir et donna l'accolade à son vieux compagnon puis il partit en courant, promettant d'aider son jeune neveu si l'occasion se présentait.

Le bateau accosta sur l'île de Trépont où Bherir put admirer le nombre de mendiants, d'eldorians, et d'imbéciles en tout genre.

- Ah, ça... Je te revaudrai ça, Hudrir...

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