[V] La voix que le désert n'entendra plus [Terminée]

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
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Feydreyah
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[V] La voix que le désert n'entendra plus [Terminée]

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Elle regardait au loin... On n'apercevait pas encore ces iles dans lesquelles elle plaçait ses espoirs d'une vie nouvelle et meilleure. Appuyée sur le bastingage, elle appréciait le vent marin qui agitait ses cheveux dans tous les sens. Un de ses compagnons de voyage se lamentait des remous incessants du navire sur une mer qui était tout de même plutôt calme... Elle s'assit à coté de lui et entreprit de le divertir pour lui faire oublier ses maux de ventre...

"L’histoire que vous allez entendre, je pourrais vous la chanter comme cela se fait dans mon peuple traditionnellement. Mais ma voix, je dois vous l’avouer, est encore bien trop fragile aujourd’hui pour soutenir un chant… Et puis, il serait vain de tenter d’enjoliver ce que je m’apprête à vous conter par une quelconque mélodie et quelques vers rimés… Elle est bien triste cette histoire, puisqu’elle raconte une passion brisée par l’obsession et la folie d’une fillette amoureuse…"

Amour...

Quand elle est née, ce jour là, une fête fut donnée. Ses parents, artisans honnêtes et de talent avaient longtemps espéré cet enfant. Cela explique sans doute, qu’ils la choyèrent plus que de raison, au point qu’elle devint une enfant capricieuse aux colères violentes et aux paroles volontairement blessantes. Elle n’en faisait qu’à sa tête, cherchant la bagarre dans tous les recoins du campement. Quand on entendait un enfant pleurer de douleur et se plaindre d’un violent coup dans le ventre, elle était rarement étrangère à l’affaire. Les Thars s’arrachaient les cheveux tant elle refusait catégoriquement de suivre leur enseignement. Et ses parents, maladroits mais tellement aimants, se confondaient en excuses et présents, pour que l’on ne blâme pas de trop la terrible enfant.

Elle était teigneuse, envieuse, moqueuse et pourtant, elle avait réussit à s'entourer d'une âme bienveillante. Un jeune et doux poète qui passait son temps à chanter s'était attachée à la petite fille, on ne sait par quelle magie.
La voix douce et claire du jeune homme savait apaiser la fureur que l’on pouvait lire parfois dans les yeux de la demoiselle. Il aimait chanter leur amitié et composait régulièrement des odes à l’ébène des yeux et des cheveux de la petite bleue qui semblait le fasciner. Sa grande beauté à lui, la captivait au point qu'elle oubliait quelques instants de servir ses démons.

Quand il ne chantait pas, ils discutaient longtemps tous les deux. Ils parlaient du campement, des réticences de la bleue à apprendre le chant et de ses rêves à lui de devenir le plus grand barde des alentours.

Le temps passait, la petite fille en grandissant nourrissait des émotions nouvelles pour son poète. Elle en devenait irrésistiblement amoureuse...

Elle l'encourageait toujours à bercer le désert de ses douces mélodies. Elle s'arrangeait jour après jour pour qu'il ne cesse jamais de lui sourire ... Mais son émoi tourna à l'obsession. Elle l'aimait tant que petit à petit, elle se l'était approprié...
Personne n'avait le droit d'approcher son beau poète et elle éconduisait rudement toutes demoiselles qui se pressaient pour écouter ce chanteur d'exception. Mais toujours elle faisait attention qu'il n'en sache rien parce que pour elle rien ni personne ne devait le perturber.
Elle y réussit si bien que le jeune poète finit par se croire dénué de talent car jamais personne ne se pressait pour l'écouter... La possessivité maladive de l'amoureuse avait complètement isolé le jeune homme. Elle ne se rendait pas vraiment compte du mal que cela lui faisait...

Avec le temps, ses chants n'étaient plus aussi clairs et éclatants et ses sourires, un temps amers, devinrent inexistants.
Le bleu n'avait plus le cœur à rire et s'était laissé envahir par une profonde mélancolie. La belle sentait qu'il sombrait mais se retrouvait bien démunie face à son désarroi. Elle redoublait d'effort, se faisait jolie, tentait de blaguer, le sollicitait pour des cours de chant... rien n'y fit! Il s'enfonçait inlassablement dans un silence pesant et terrifiant... elle le perdait et ne s'était même pas rendu compte que c'était de sa faute.

Elle joua alors sa dernière carte. Elle prit une grande bouffée d'air et lui avoua son amour pour lui dans un simple "je t'aime, j'aimerais construire le reste de ma vie avec toi!"

La réponse fut dure à entendre...
Il lui annonça d'une voix terne pratiquement sans âme, sans même la regarder et sans sourire qu'il l'aimait aussi mais comme une petite sœur et que jamais ses sentiments n'évolueraient dans le sens qu'elle espérait...

Elle s'est retournée, les poings serrés. Sans mot dire, elle s'en est allée...

Il n'y a rien de plus à dire que son cœur était brisé.
Dernière modification par Feydreyah le 25 sept. 2009, 02:16, modifié 4 fois.
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Feydreyah
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La voix que le désert n'entendra plus

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Jalousie...

Elle ne pleura pas une seule fois.
Pendant quelques temps, elle se détourna complètement de lui, trop occupée à ruminer son humiliation. Et puis, elle s'imaginait peut-être qu'il remarquerait son absence et qu'elle finirait par lui manquer... Dans ses fantasmes, elle le voyait s'approcher d'elle et lui murmurer tendrement qu'il s'était trompé, qu'il ressentait beaucoup plus que des sentiments fraternels et que cela allait même au delà de tout ce qui pouvait exister... Des rêves... Des espoirs...
Désespoir...

Quelques mois plus tard, une caravane de marchand du campement, parti deux fingeliens auparavant, revint les sacs remplis de pierres précieuses et de minerais d'une qualité rare. Les marchands l'avaient acheté à un peuple qui vivait loin d'ici au cœur des grands monts. Ce peuple avait ceci de surprenant qu'il était de petite taille, trapu et remarquablement poilu, "même les femmes" avait rajouté le Finn de la caravane.
Le campement comptait de nombreux orfèvres de renom, aussi le chargement avait d'autant plus de valeur à leurs yeux. Le retour des marchands et les merveilles ramenées étaient l'occasion parfaite pour donner une fête le soir même.

Elle n'avait pas vraiment envie de faire la fête. Poussée par sa mère, c'est de très mauvaise foi qu'elle s'y rendit, se permettant de souffler des commentaires désobligeants sur tout ce qui composait la fête. Les gens surtout...
Elle aperçut alors le poète qui, lui, souriait... Il semblait réellement enchanté par l’évènement.
Elle s'approcha presque tremblante de lui... Elle tapota son épaule... Elle cru défaillir quand il se retourna, les yeux pétillants, le visage éclairé par la joie. Elle se rappelle qu'il la serra dans ses bras, fort. Elle se souvient que son cœur s'emballa plus que de raison. Elle se rappelle de ses mots à ce moment là. "Tu m'as manqué... petite sœur!". Elle se souvient... qu'elle s'arracha de ses bras et qu'elle le gifla.

Là c'en était trop. Une larme unique roula sur sa joue et elle partit. Elle retourna dans sa tente et laissa exploser sa colère. Personne ne l'entendit hurler...
Elle ravala son ire lentement quand il n'y eut plus rien à détruire pour apaiser sa fureur. Elle se retrouva au milieu de couvertures déchirées, de pots cassés, complètement désemparée.
Quand elle fut tout à fait calmée, elle entendit une voix cristalline qui s'élevait doucement dans la nuit... Sa voix à lui.
Il n'avait jamais aussi bien chanté. Cela vous transperçait de part en part, vous forçant à rester immobile. Sa chanson traduisait une sorte de renouveau, de bien être infini. Un bonheur irrésistible vous envahissait note après note. Une mélodie qui résonnait comme le désert et c'est alors qu'une tranquillité absolue vous enveloppait.
C'était pourtant le chant le plus triste qu'elle n'eut jamais entendu.
Elle l'avait définitivement perdu.
Quand le poète eut finit, le campement tout entier entonna un chant à la note unique, claire et tenue. Une note profonde pour remercier l'état de grâce qui venait de leur être offert.
Il ne serait plus jamais à elle...

Quelques heures plus tard, elle fut réveillée par les exclamations scandalisées de ses parents. Elle ouvrit les yeux et constata l'ampleur des dégâts... Sans explication, les larmes aux bords des yeux, elle quitta la tente. Elle avait la tête haute, la petite bleue, du haut de ses 16 fingeliens...
Elle ne le savait pas encore mais c'était la dernière fois qu'elle vit ses parents.
Jamais elle ne leur avait dit "Je vous aime".
Toujours elle les avait déçus.

Papa, Maman, je vous demande pardon...

Elle partit donc ...pas très loin cependant. Elle se cacha dans une formation rocheuse un peu plus à l'ouest. Elle se réfugia sur les hauteurs et elle n'avait pas choisi cet endroit au hasard. Le poète avait pour habitude d'exercer son art non loin de là, en dehors des palissades du campement.
Elle pouvait le voir. Et c'était une torture de le sentir si proche, les bras du barde s'ouvrant sur le vide du désert et elle qui rêvait si fort de combler cet espace.
Elle pouvait l'entendre. Et c'était une torture que de l'écouter chanter l'histoire d'une petite fille aux humeurs difficiles et que la disparition affectait terriblement.
Elle vibrait d'amour pour lui. Et c'était une torture qu'elle s'infligeait à rester là sans se permettre ni de le rejoindre ni de partir vraiment loin, très loin de lui.

De longs mois passèrent ainsi et son souvenir était de moins en moins présent dans les chants du poète. Elle dépérissait, ne s'alimentant presque plus.
Jusqu'au jour où les chants sonnèrent différemment... les intonations devinrent plus sensuelles, un "elle" apparut de plus en plus fréquemment dans les paroles, et les mélodies traduisaient un amour naissant, prenant...
Qui était ce "elle"?
"Elle" devint le sujet principal des chants de "son" poète...

Elle sentait la colère monter et sut enfin contre qui la retourner le jour où elle la vit apparaitre à l'horizon en compagnie de son amour. "Elle" était assise face à lui lorsqu'il entonna un chant qu'il travaillait depuis quelques temps. "Elle" avait ce sourire insupportable et se permettait même de poser sa main sur son genou. "Elle" chanta elle aussi... "Elle" chantait bien. Bien mieux que la petite bleue qui éclata alors en sanglot à peine une centaine de mètre plus loin. Et son chant à "elle" traduisait le même amour naissant...
"Elle" était infiniment plus jolie aussi, il fallait bien le reconnaitre.
La petite bleue l’avait déjà vu : il s'agissait d'une des filles du chef de la caravane arrivée quelques mois plutôt. Elle l'avait croisé lors de la fête... ce fameux soir. C'était une jeune femme aujourd'hui. Belle, rayonnante, douce à en croire son chant. Rien à voir avec la petite bleue crasseuse qui n'avait jamais réussi à chanter la moindre petite note juste. Comment avait elle pu espérer un jour plaire au poète?

Elle se laissa envahir par la colère... une colère noire qui lui fit petit à petit perdre la raison.
Elle se promit d'empêcher que cela n'arrive...
« Jamais, non jamais! Tu ne seras jamais sienne! »
Son horrible vœu s'étouffa dans l'immensité du désert, recouvert par les rires joyeux des nouveaux amoureux...
Dernière modification par Feydreyah le 23 juil. 2009, 15:39, modifié 4 fois.
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Message par Feydreyah »

Folie...

« Ma petite bleue, tu es là… Tu m’as tellement manqué ! Viens vite ici, au creux de mes bras ! Je chanterai doucement à ton oreille tout mon amour puisque rien ne peut avoir plus d’importance à présent. Je ne saurai plus regarder autre chose que ton visage et ses grands yeux noirs, puisque toute la beauté est là. Je ne gouterai plus que tes lèvres, puisque rien d’autre n’aura plus de saveur. Ma petite bleue… toi et moi... »
Tandis qu’il lui dit tout cela, elle le regarde le cœur au bord des yeux. Elle tremble, semblant défaillir à chaque phrase prononcée. Il la prend dans ses bras, la soulève et l’emmène un peu plus loin… Là, il la dépose sur une couverture installée en plein désert.
Ils font l’amour tout simplement, pour la première fois. Il est doux. Il est tendre. Il l’aime. Elle se sent tellement bien.

Elle se réveilla, seule…

Elle le chercha longtemps du regard jusqu’à entendre son chant… Elle sortit de sa grotte et regarda en contrebas, là d’où les notes semblaient parvenir. Elle le vit. Lui n’était pas seul.
Ce chant n’était pas pour elle. Un autre rêve qui se transforme en cauchemar…

Elle retourna dans son ‘chez elle’. Quelques objets glanés à la nuit tombée aux alentours du campement composaient son intérieur. Elle saisit une couverture, l’enserra et la tête enfouie dedans, hurla.

Cela faisait maintenant un fingelien qu’elle était recluse à ruminer tantôt sa peine, tantôt une haine profonde pour les deux amants. Elle avait considérablement maigri, ne mangeant que le strict nécessaire pour survivre. Juste assez… Le temps de mettre son terrible projet à exécution. Il murissait lentement. Il ne lui manquait plus qu’à en apprivoiser l’instrument principal.
Le désert recélait autant de beauté que de cruauté. Elle-même durant ce fingelien avait-elle risqué de périr plus d’une fois. Sable qui se dérobe sous vos pieds, soleil qui assèche votre corps, eau rare, si rare et difficile à trouver, froideur de la nuit qui vous coupe le souffle, animaux insidieux aux venins redoutables qui se glissent dans votre couche… C’est ceux là d’ailleurs qui intéressaient la belle. Elle essayait tant bien que mal d’en capturer les plus dangereux spécimens depuis quelques temps. Elle n’était pas très habile pour poser des pièges. D’ailleurs, la viande manquait cruellement à ses menus. Mais c’est sans relâche qu’elle vérifiait jour après jour les cages rudimentaires qu’elle avait posé ça et là, motivée par la plus terrible des forces… la jalousie n’avait cessé d’animer son cœur depuis ce jour où "elle" est apparu.

Le plan était d’une simplicité déconcertante. Provoquer ce qui aurait bien pu arriver naturellement…
Mais il fallait tenir compte de la magie bleue qui savait guérir et même prévenir les grands maux du désert. Elle n’y connaissait pas grand-chose et regrettait maintenant son manque de sérieux lors des apprentissages. Beaucoup de Thars s’étaient cassés les dents sur son incroyable dédain des connaissances rudimentaires. Le chant… Elle ne savait pas chanter et avait même refusé catégoriquement d’apprendre à le faire. Elle se rappelait de la mine désolée de ses parents à chaque fois qu’elle se mettait en colère quand ils lui rappelaient que c’était nécessaire si elle souhaitait devenir adulte un jour.
Et maintenant, il lui manquait ce savoir pour être sure qu’ "elle" n’en réchappe pas !

Qu’à cela ne tienne. Elle avait mis au point un plan pour parer son ignorance. Elle avait imaginé combiner plusieurs venins et inoculer elle-même le poison à sa rivale en laissant trainer le cadavre d’une vipère non loin d’elle pour que tous croient que le mal venait de la morsure de ce serpent ci.

Le temps continuait de s’écouler… Les chants des deux amants mesuraient ce temps… Il était maintenant question d’union…Il fallait agir vite…

Après de nombreux essais et une certaine expérience acquise au fur et à mesure des échecs, elle avait maintenant à disposition un panel intéressant de créatures venimeuses. Serpents, lézards, araignées et autres insectes répugnants. L’extraction des poisons ne fut pas aisée et il lui fallu quelques semaines encore pour réussir les diverses opérations. Dans une petite fiole, elle mélangea les liquides.
Elle tenait sa vengeance et riait en faisant tourner le flacon entre ses mains.

Il était temps. C’était le matin… Cette nuit, il sera libre de l’aimer elle, débarrassé enfin de cette sangsue bleue.
Elle savait se déplacer sans bruit et c’est ainsi qu’elle pu s’approcher assez près de son ennemie, alors qu’elle dormait dans les bras de son futur époux.
Alors qu’elle les regardait, elle hésita… une seconde, deux secondes… à la troisième seconde, elle saisit la fiole, y trempa un instrument fabriqué par ses soins et qui ressemblait vaguement à une aiguille à deux pointes. Elle les trempa alternativement dans la petite fiole et piqua sa rivale à la gorge… Elle s’enfuit...

Il ne vint pas chanter au pied des rochers ce jour là, ni le jour suivant, ni même celui d’après…
Elle ne savait pas ce qu’il se passait… Est-ce que son plan avait réussi ?
Elle attendit encore deux jours… Puis n’en pouvant plus, se rendit aux portes du campement, la nuit du cinquième jour. Elle longea la palissade, observant le remue ménage… Cela chantait, cela pleurait… Elle le vit enfin, sortant d’une tente. Il semblait épuisé. Sa mère le soutenait.
Elle restait impassible en observant tout cela. La détresse qui se lisait sur le visage de son poète ne semblait pas l’affecter. Elle hésitait en fait… rongée par sa folie, elle était tiraillée… La tristesse du bleu… La mort probable de sa rivale… Son amour retrouvé… Son amour à sens unique…La mort…
Qu’avait elle fait ?
Que se passait-il au juste ?

Elle retourna dans sa grotte en courant.
Dernière modification par Feydreyah le 06 juil. 2009, 13:22, modifié 1 fois.
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Tragédie...

Qu’avait elle fait ?
Elle revoyait clairement ses gestes. Mais n’arrivait pas à y croire. Elle restait prostrée. Elle n’avait pas mesuré la réelle conséquence de son acte. La mort d’une bleue.
Elle ne souhaitait pas vraiment ça…Et pourtant, elle avait agi dans ce but.
Elle devait savoir…
Elle n’arrivait pas à bouger.
Elle resta au fond de sa grotte pendant des semaines, presque sans dormir. Elle se mourrait…

Un chant lui redonna un sursaut de vie. Elle trouva la force de se glisser au dehors, au bord de la falaise. Il était là et il chantait. Il était beau son chant…
"Elle" avait survécu.
Il décrivait les longs soins qu’il lui avait prodigué, l’espoir qui de temps en temps s’en allait… Il racontait le combat de la bleue contre le poison inconnu. Ce combat, "elle" l’avait remporté ce matin. "Elle" était bel et bien vivante et cette épreuve avait renforcé leur amour.
La petite bleue était réellement soulagée. Mais elle pleura, plus triste et seule que jamais.

Elle retrouva un peu de vigueur. Elle avait profondément grandi au travers de cette épreuve. Elle voulait retrouver sa vie d’avant. Elle voulait féliciter son amour d’antan pour la cérémonie prochaine. Elle voulait retrouver ses parents et les serrer fort. Elle voulait demander pardon…
Une fois capable de tenir à nouveau sur ses jambes, elle sortit pour de bon de sa grotte et se rendit là où il avait l’habitude de chanter. Elle l’attendit patiemment s’essayant elle-même au chant… sans grand succès.
Il apparaissait enfin à l’horizon, tenant à son bras sa fiancée rescapée.
Il s’arrêta net quand il l’aperçut. Il semblait hésiter. La petite bleue lui sourit, gênée. Il s’avança alors, encouragé par ce sourire et sans mot dire la prit dans ses bras.
Elle en eut le souffle coupé. Tant de sentiments l’assaillirent en cet instant. Le bonheur, la culpabilité, l’amour bien sur…Elle se ravisa…
Le poète mue par la joie, entonna un chant d’amitié dans lequel, il expliquait à sa fiancée qui était cette petite bleue qui avait pourtant bien grandi. La fiancée ne souriait pas. Elle toisait la jeune fille en silence. La petite bleue en ressentit un profond malaise. Elle baissa la tête et bredouilla une excuse pour les quitter une fois le chant du poète fini. Il essaya de la retenir mais elle insista : elle devait rendre visite à ses parents.
Un silence pesant s’installa…Le poète cessa de sourire et prit les mains de son amie. Il allait lui annoncer une terrible nouvelle…

Elle courut jusqu’au campement, manquant de tomber plusieurs fois en s’enlisant dans les dunes. Essoufflée, le cœur broyé par la nouvelle, elle traversa le camp, vacillante… Des murmures et des regards accompagnaient ses pas, mais rien ne perturba sa marche. Elle agrippa le pan de la tente qui la vit naitre et pénétra à l’intérieur…
« Papa ? Maman ? »
Sa voix tremblait…
« Papa ? Maman ? »
Le silence confirma les dires du poète. Ils n’étaient plus là. Ils avaient périt durant ce fingelien, à quelques mois d’intervalle…

Elle sortit de la tente et ferma les yeux aveuglée par le soleil. Tout tournait dans sa tête… Quelqu’un la soutint alors que la terre se dérobait sous elle. On la porta à l’intérieur de la tente et l’allongea. Elle s’endormit…

« Ma petite bleue… Tu es là ! Je ne te laisserai plus partir ! Dors à présent… Quand tu te réveilleras, nous construirons une nouvelle vie tous les deux… »

Encore un rêve… La folie la frôla de nouveau. Mais elle lutta. Elle saisit brutalement la main qui tamponnait son visage d’un linge humide. C’était "elle".

« Ne bouge pas ! Tu es à bout de force… J’ai promis que je veillerai sur toi. »

Son ton, proche de l’agacement, n’encouragea pas la petite bleue à rester tranquille. Elle regarda sa garde malade avec le même mépris qu’elle lisait dans ses yeux.

« Je pars… »

La petite bleue se leva péniblement et s’en alla, en prenant appui sur tout ce qui se trouvait à sa portée. Elle partit…

Cela faisait à peine une semaine qu’elle avait quitté sa grotte… Elle ne pensait pas y revenir aussi vite. Elle s’installa au bord de la falaise et s’essaya à nouveau au chant…
Elle réussit pour la première fois à sortir des sons harmonieux et son chant eu un sens inespéré… Elle pu sortir au dehors toute sa tristesse accumulée.



Calme toi ma Colère
Cesse donc de t'agiter
Ta sœur Jalousie a fini par se taire aussi
Mon cœur solitaire
Est maintenant fatigué
Douleur et Tristesse ont eu raison de lui

Le temps des caprices est révolu
Vengeance et Folie de moi se sont repues
Le temps de l'insouciance s'en est allé
Regret et Remord de moi se sont emparés

Tu me manqueras mon amour
Je t'ai chéri de la plus horrible façon
Mais j'ai décidé en ce jour
De laisser Raison prendre le pas sur Passion

Vous me manquerez mes aïeux
Je n'ai jamais su vous honorer
Je n'ai pu vous faire mes adieux
Je n'ai même jamais su vous aimer.

Il est bien trop tard maintenant, le mal est profond.
Entendez ma prière, je vous demande pardon...



Il n’était pas parfait ce chant… Mais il était sincère. Elle sourit. C’était une sensation agréable. Elle se promit de réessayer souvent.
Le chant eu une autre conséquence…
Il l’avait entendu. Il avait gravi les rochers escarpés, il s’était hissé sur la falaise, il se retrouvait maintenant derrière elle.
Il lui dit qu’il était fier. Mais qu’il n’avait pas très bien compris tout ce qui était dit dans le chant…
C’était le bon moment… Elle devait tout lui avouer… lui expliquer… Elle n’était pas vraiment elle-même après tout.

Elle lui raconta alors… Tout. Le jour où ses sentiments pour lui étaient devenu une évidence, tout ce qu’elle avait fait pour lui éviter des présences perturbantes, la rage quand il s’est refusé à elle, la fureur même le soir de la fête, le départ de chez ses parents, la grotte, les longues observations sous le soleil, les nombreux rêves et la dure réalité, son apparition à "elle", la haine qui lentement montait, le lugubre projet et sa mise en œuvre, la peur, les remords et puis la tristesse immense à l’annonce de la mort de ses parents…

Il est resté impassible tout le temps du récit mais elle avait vu d’étranges éclairs dans ses yeux… Il se leva les poings serrés et s’éloigna de quelques pas… Il tremblait… Elle crut qu’il allait pleurer, que son histoire l’avait ému alors elle se leva à son tour et s’approcha de lui pour le réconforter… Quand elle posa sa main sur son épaule, il…explosa !
Une rage terrible se lisait dans ses yeux ! Il la gifla tellement fort qu’elle se retrouva à terre.
Elle se massa la joue sous le choc. Il bouillait d’une rage telle qu’il se saisit d’une branche et la brandit prêt à la frapper encore. Elle se protégea le visage en lui hurlant d’arrêter. Mais il ne l’entendit pas et abattit la branche sur elle en criant qu’elle était folle, qu’elle avait failli la tuer. Il l’accabla longtemps en la battant encore et encore. La douleur physique et morale était grande. Dans un réflexe, elle se saisit d’une pierre et le frappa à son tour où elle put…Ce fut horrible… Elle voulait juste qu’il arrête…

C’était vraiment fini… Plus d’espoir pour que tout redevienne comme avant.
Ces parents étaient morts et lui ne l’aimerait même plus comme une petite sœur…
C’était vraiment fini…

Il ne restait plus que les remords…
Dernière modification par Feydreyah le 23 juil. 2009, 15:56, modifié 2 fois.
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Remord...

Elle resta un bon moment à genou, s'entourant de ses bras et se balançant d'avant en arrière. Sa longue plainte résonnait dans le désert alentour.
Le poète était devant elle, au bord de la falaise, à terre. Son sang colorait le sable tout autour de son si beau visage donnant l'impression d'une auréole écarlate...
Elle était impuissante. Elle avait peur. Encore une fois, elle n'avait pas voulu ça. Elle tenait encore la pierre... elle la jeta au loin de toutes ses forces. Ses yeux se brouillaient tellement elle pleurait. Mais pourquoi? Pourquoi faisait-elle autant de mal?

Quand elle n'eut plus la force de hurler son désespoir, elle s'allongea à côté de lui et posa sa main sur sa poitrine encore chaude...
C'était à peine perceptible... Il respirait encore!
Il fallait prévenir qu'il était là, agonisant! Elle s'emplit les yeux de son image et partit.
Elle n'eut pas à aller jusqu'au campement. Cela faisait déjà un jour entier que le poète avait quitté sa belle, aussi, avait-elle entrepris d'aller le chercher là où il aimait chanter. C'est à cet endroit qu'une fois encore, elles se firent face. Cela se lisait dans les yeux de la petite bleue que quelque chose de terrible s'était passé...

« Où est-il? »

La petite bleue pointa d'un doigt tremblant la falaise là bas... Sa main n'était plus bleue mais bien rouge, un rouge qui terrifia la compagne du poète. Elle couru alors, dans la direction indiquée, en criant le nom de son amour...
La petite bleue la suivit du regard un instant et s'écroula de fatigue et de chagrin tout à la fois.

La vie et la mort semblait se chamailler à propos de cette petite furie bleue qui avait tant causé de malheur. Aucune ne semblait en vouloir... Le vent soufflait et soulevait le sable qui tournoyait alors au-dessus de son corps meurtri à l’extérieur comme à l’intérieur. Ainsi, seul le désert semblait avoir de la compassion pour elle et la couvrait de son manteau protecteur à l'instar d'une mère qui borderait son enfant... Mais peut-être voulait-il la cacher aux yeux de tous, tellement il en avait honte... Qu'importe pour elle en cet instant... Elle se noyait lentement dans l’obscurité…

« Ma petite bleue... Tu es là... Je vois que tu trembles mais il ne faut pas avoir peur voyons! J'étais en colère c'est vrai mais il faut dire que tu avais fait une grosse bêtise... là, calme toi et viens ici que je te serre dans mes bras. Tu ne recommenceras pas n'est-ce pas? Allons, allons, je ne vais pas te faire de mal... viens je te dis! Voilà! On est bien comme ça non? J'aimerais te chanter quelque chose mais... Et bien je ne peux plus. Ce n'est pas de ta faute. J'ai sans doute été trop dur avec toi. Allons, reste là près de moi et ne t'en fais pas... Oublions tout cela, nous n'avons plus de temps à perdre! Il ne nous reste plus qu'une éternité pour nous aimer. »

Elle sentit quelque chose lui gratter la joue... Un petit renard venait de découvrir son visage. Il s’enfuit quand elle ouvrit les yeux... Elle avait soif... très soif... Du peu de force qui lui restait, elle se traina jusqu'à une toute petite source non loin de là. Elle bu pendant longtemps et se rendormit à nouveau...

Quand elle se réveilla, il faisait nuit. Elle allait mieux, son corps tout du moins allait mieux. Elle s'assit et essaya de se rappeler.
Elle mit un moment à faire le tri entre la réalité et ses rêves. Ses propres émotions semblaient encore endormies comme si elle les avait complètement épuisées. Quand tout fut à nouveau très clair, une simple question lui vint à l'esprit : était-il encore vivant? Du temps était passé c'était certain mais combien de temps au juste? Elle s'en alla donc aux abords du campement...

Arrivée à proximité, elle se cacha derrière un rocher et hésita longtemps à s'approcher davantage. Comment allait-on l'accueillir? Un petit garçon passa alors par là... vu son jeune âge, il ne devait pas la connaitre et c'était aussi bien comme ça.

« Hé! Toi! Viens voir par ici! »

Le garçonnet la toisait à distance et ne sentant pas réellement de danger, finit par s'approcher. Elle se racla la gorge et entreprit de le questionner.

« Dis-moi... qu'est-il advenu du barde bleu à la voix si sublime... du village d'où je viens, on entendait parfois ses mélodies portées par le vent... Mais depuis quelques temps plus rien ne nous parvient. Alors je suis venue voir par moi même ce qu'il en était... »

Le garçonnet baissa la tête et raconta.

« C'est une bien triste histoire hélas. Le barde a perdu sa voix. Les sages du village s'accordent pour dire que plus jamais il ne chantera. On raconte qu'une sorcière jalouse qui vit un peu plus loin dans les rochers, lui a jeté un mauvais sort pour voler sa voix et le rendit ainsi muet. C'est ce que l'on raconte aux enfants du village pour nous empêcher d'aller trop loin... mais moi je le sais très bien que ce n'est pas tout à fait la vérité. Il y avait une méchante fille qui vivait ici avant mais un jour elle est partie. Elle ne manqua à personne sauf peut-être au barde et à ses parents. Ces derniers d'ailleurs se laissèrent mourir lentement, inconsolable suite à la disparition de leur unique enfant... Il y a quelques semaines, elle est reparue mais s’est enfui à nouveau en apprenant la nouvelle. Notre barde qui l'aimait bien est parti à sa recherche. On ne sait pas ce qui s'est passé... Sa fiancée a alerté le village et des hommes sont revenus en transportant le barde ensanglanté. Il avait reçu un méchant coup à la tête et on ne sait pas vraiment pourquoi mais... Depuis, il ne peut plus chanter. Aucun remède, aucun chant n'a réussi à réparer le mal. Sa compagne crie à qui veut l'entendre que c'est cette mauvaise fille là qui serait responsable... Mais elle a disparu pour de bon. Voilà donc pourquoi vous ne l'entendez plus. Il n'est plus vraiment lui même vous savez de toute façon... »

Il était vivant... Mais n'était plus vraiment lui même. Elle savait à présent et pouvait partir. Pour de bon.
Elle retourna dans la grotte et rassembla quelques affaires et s’en alla s’en se retourner…

Pendant des mois, elle parcouru le désert. Elle ressassait ses remords telle une litanie sans fin. Elle pleurait beaucoup. Parfois elle laissait éclater sa colère en frappant des rochers avec ses poings, jusqu’au sang. Parfois, un coucher de soleil réussissait à apaiser son cœur…
Un soir, alors que la lumière mourante du soleil colorait le ciel et le désert de teintes aux éclats fabuleux, elle sentit grandir en elle une envie de rendre hommage à tant de beauté.
Elle prit une lente et profonde inspiration et commença à chanter…


Lumière du soir, Lumière radieuse
Seule la voix la plus mélodieuse
Saurait te…

Une voix mélodieuse… La plus belle des voix… Celle qui fut détruite par sa faute… Et sa voix à elle pouvait encore résonner…
C’était injuste.

Elle se tut donc. Elle prit dans son sac un petit couteau à la lame légèrement émoussée.

Il ne lui fallu qu’une seconde pour enfoncer le couteau dans sa gorge…
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La voix que le désert n'entendra plus

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Lutte...

« Ma petite bleue… Tu es là… Mais qu’est-ce donc que cela ? Tu t’es blessée on dirait… Viens que je panse ta plaie… Ce n’est pas très beau… Tu as mal ? Non, bien sur ! Tu es courageuse ! Tu es forte aussi ! Tout ira bien ma petite bleue… Tout ira bien… Je serais toujours là pour prendre soin de toi… »

Qu’avait elle fait encore ? Encore un geste de trop, emportée par ses émotions de petite bleue…
Bien sur qu’elle avait mal et… Elle ne pouvait pas hurler cette douleur. Elle se tenait la gorge et le sang coulait en abondance entre ses doigts…
Elle ne voulait pas mourir… Elle était terrifiée par cette idée ! Vivre ! Elle Ferma fort les yeux et pria la seule chose qu’elle connaissait plus que tout:

« Désert, mon beau désert qui m’a vu naitre, aide moi ! Toi qui m’as si souvent mise à l’épreuve, encore une fois donne-moi ta force pour surmonter mon geste insensé ! »

Elle n’eut pour réponse qu’un vent frais qui lui caressa le visage… Elle regarda le petite lame du couteau souillée par son sang et laissa tomber le couteau... Elle respirait. Même si c'était avec difficulté, elle respirait. Elle ne s'était peut-être pas fait si mal que ça... Mais avaler sa salive était extrêmement douloureux et elle semblait ne plus réussir à produire aucun son... Elle serra un foulard fort, très fort autour de son cou pour empêcher le sang de couler. Elle rampa jusqu’au pied d’un amas de rochers… Elle s’appuya contre l’un deux et ferma les yeux. Elle se sentit partir…

« Ma petite bleue ? Tu es là ? Je ne t’entends plus…Je ne te sens même plus… Reviens… REVIENS ! »

Elle se réveilla en sursaut ! Cette douleur presque anesthésiante toujours dans la gorge. Elle était encore vivante…
Le soleil s’était levé et l’éblouissait. En tournant un peu la tête, elle aperçut un espace entre les rochers assez grand pour qu’elle puisse s’y glisser. Elle avait besoin de fraicheur ne pouvant boire.
Si elle n’était si mal, elle aurait sans doute été surprise de se retrouver dans un si grand espace à l’intérieur des rochers, étrangement aménagé comme si quelqu’un avait vécu ici… Elle se traina instinctivement jusqu’à ce qui ressemblait à une couche…

De longues semaines à lutter contre son mal comme elle pouvait… Sa blessure était vraiment vilaine. Elle délirait beaucoup à cause de la fièvre. Et dans ses délires les plus fous, son poète venait la chercher et l'emportait dans un endroit merveilleux où elle n'avait plus mal et lui chantait des chants d'une émotion rare... Elle luttait... Et elle survécut…

Elle nettoyait sa plaie régulièrement à l’eau claire grâce à une petite source qui jaillissait au fond de cette grotte qui s’enfonçait de plusieurs mètres sous le sable…
Elle arrivait à boire maintenant sans trop de mal mais manger… Elle avait réussi à piéger quelques gros insectes du désert dont elle extrayait la substance… C’était dur de déglutir. Mais elle avait une telle rage de vivre ! Pour qui ? Pour quoi ? Peut-être était-ce tout simplement la peur de mourir, peut-être le besoin de se repentir, une façon de se punir par la terrible souffrance qu’elle endurait sans un cri…

Pendant sa convalescence, elle lut avec attention un petit carnet en cuir, assez épais, qu’elle avait trouvé à côté de la couche. C’était devenu un ouvrage précieux qui avait appartenu à un homme bleu, elle en était sure… Il constituait un recueil intéressant de notions de survie, de recettes avec des produits du désert, de cartes plus ou moins annotées, de récits de voyage, de quelques chants, de médications diverses et surtout de réflexions qui avaient su toucher le cœur fragilisé de la petite bleue…
Le bleu qui avait rédigé ce petit carnet semblait souffrir des mêmes maux qu’elle… Une tendance troublante à faire le mal autour de lui involontairement ou mue par une folie destructrice. Il avait donc décidé de s’isoler pour se repentir et il couchait sur le papier ce repenti et ce réveil de lui-même pour tendre vers ce but: devenir meilleur ! Il avait lui aussi voulu arracher l’amour des siens plutôt que d’œuvrer simplement pour leur bonheur. Il avait lui aussi commencer sa vie de travers. Il avait lui aussi déformer la réalité d’après ses fantasmes les plus fous. Il avait lui aussi causer des tords irrémédiables…
Et il décrivait tellement bien tous ces sentiments qui la tourmentaient alors et la tourmentent encore…
L’envie de se repentir et l’impact de ces écrits changèrent profondément le cœur de la petite bleue… Elle retrouvait le gout de vivre non plus pour se punir mais accomplir des choses bien. Elle savait que cela ne réparerait rien… Mais cela ne devait pas l’empêcher de se donner de la peine en ce sens.
Elle trouva dans ce carnet la composition d’un onguent et la liste de quelques ingrédients pour concocter une tisane particulière. L’application de cet onguent garantissait la cicatrisation rapide des blessures externes et la tisane soignait aussi bien les maux de gorge bénins que les blessures importantes au niveau de la gorge qui entrainaient un mutisme…
Elle était bel et bien muette depuis… son geste. Elle n’avait pas réussi à se tuer mais elle avait brisé quelque chose… comme si elle avait 'coupé' sa voix. Elle ne perdait rien à essayer ces soins décrits minutieusement, étape par étape… Malheureusement les ingrédients ne se trouvaient pas tous dans le désert…
L’ancien résidant de ce lieu avait drôlement voyagé, rencontré des peuples divers et… Il était revenu mourir ici, une dernière fois, expier ses péchés…

Il décrivait également un endroit tourmenté loin d’ici… Il appelait ça le cœur des landes… Des hommes et des femmes et des…autres races… Se pressaient sur les ilots centraux pour les libérer de la fureur des landes éternelles…
Elle avait peine à croire que les landes qui portait son beau désert pouvait avoir un cœur aussi noir… Elle n’avait jamais entendu de telles histoires… Il faut dire qu’elle n’écoutait pas grand-chose…
Elle ne mit pas longtemps à prendre sa décision.
Encore très faible, elle se prépara à faire ce terrible voyage vers l’inconnu.

Mais avant, elle devait retourner au campement pour le voir…

Elle retrouva son chemin sans trop de peine à travers ce désert qu’elle connaissait si bien à présent. Quand elle arriva aux abords du campement, elle se grima le visage pour qu’on ne la reconnaisse pas, même si elle avait changé et qu’elle était devenu une jeune femme à présent. Elle marcha lentement, prenant appui sur un bâton, à la manière d’un ancien. Elle pénétra le campement et glissa entre les tentes sans que personne ne prenne vraiment garde à elle.
Quand elle arriva non loin de la tente, son cœur battait à se fendre. Elle déposa alors une petite fleur du désert cueillie sur le chemin et une lettre dans laquelle étaient inscrites ces quelques lignes :

« Je pars mon amour, je m’éloigne pour toujours. Je me repends de tous les malheurs que je t’ai causés et m’en vais donc affronter l’inconnu. Tu es sans nul doute la personne que j’ai le plus aimé et fait le plus souffrir pourtant. Mes regrets ne soigneront jamais les plaies béantes que je laisse derrière moi… Puisses-tu me pardonner cette lâcheté un jour… Ce départ est pourtant nécessaire pour ton épanouissement futur et pour le mien. Je te souhaite force et courage pour les nombreuses épreuves qui t’attendent encore.
Sois heureux mon amour… Je ne t’oublierais jamais


Son cœur se serra… Elle passa la tête entre les pans de la tente aussi discrètement que possible et le vit… Une seconde lui suffit. Et elle ferma les yeux pour graver son image à jamais dans son souvenir. Il avait sourit…

« Ma petite bleue… Tu ne seras bientôt plus là… Je te laisse partir puisque c’est que tu désires… Saches seulement que malgré tout mes pensées t’accompagneront où que tu sois. Je te pardonne… Tu seras toujours ma petite bleue. Va ! Construis toi un ailleurs et deviens la femme splendide et fabuleuse que j’ai toujours vu en toi… »

Elle s’en alla, tellement plus légère…
Elle avait lutté contre ses démons qui la rongeaient, lutté contre sa peine qui l’enfermait dans un remord sans fin, lutté contre la mort qui plusieurs fois l’avait frôlé…
Elle avait encore tellement de combat à mener…
Et déjà elle quittait son beau désert qui l’avait vu naitre, son beau désert si dangereux et si doux à la fois. Son beau désert qui avait assisté à sa folie et qui pourtant, elle le sentait, l’avait toujours protégé… Elle caressa quelques grains de sable en signe d’au revoir…
Elle arpenta quelques régions étrangères et elle en savoura chaque découverte. Elle suivait les indications de ce carnet dont elle ne se séparait plus. Elle trouva en route les plantes pour soigner sa gorge. Elle appliquait l'onguent et avalait la tisane aussi souvent que possible. Elle faisait des fois des détours pour visiter des merveilles décrites dans le carnet. Elle aimait tellement ce monde...

Après plusieurs mois de marche, elle se retrouva face à la mer. Un silence. Un bateau s'apprêtait alors à partir...



Elle sourit au passager qui l'avait écouté avec attention jusque là. Lui la regarda étrangement un instant et s'éloigna en se frottant le ventre. Elle regagna le bastingage et s'y appuya de nouveau, se laissant bercer par les remous qui avait eu finalement raison de l'estomac de son compagnon de route. Elle rit jusqu'à en tousser. Elle caressa sa gorge endolorie par le long récit...
Puis, elle se laissa perdre dans le bleu du ciel et de la mer...
Dernière modification par Feydreyah le 09 sept. 2009, 22:58, modifié 5 fois.
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La voix que le désert n'entendra plus

Message par Feydreyah »

Le chant du passé

Sur le bateau qui la menait au cœur des landes, Feydreyah comme toujours rêvait...
Elle n'avait pas réellement peur de là où elle allait et il lui prenait de ressasser son passé qui l'avait amené à prendre ce bateau... Sa gorge abimée, dont elle espérait bien qu'elle serait complètement guérie dans cet ailleurs aux relents de danger, ne lui permettait pas encore de produire une note, mais dans sa tête, elle chantait quand même...

Amour
Qui grandit, qui grandit sans aucun contrôle
Et moi qui n'y comprends pas grand chose
Je sens mon souffle se couper quand tu me frôles
Un rêve de ton cœur et du mien en osmose

Jalousie
Qui se nourrit de tes nombreux sourires pour elle
Tu ne penses plus à moi quand elle t'entoure de ses bras
Tu sembles complètement sous le charme de la demoiselle
Un rêve qui se brise car jamais tu ne seras à moi

Folie
Qui m'envahit et efface doucement ma raison
Je bouillonne quand dans le silence résonnent vos rires
Rien d'autre ne compte alors que de nuire à votre passion
Un rêve noir mue par la seule volonté de détruire

Tragédie
Qui s'ensuit et je me sens impuissante
Emportée que je suis par les évènements
Gestes passés aux conséquences terrifiantes
Un rêve qui s'étouffe et agonise lentement

Remord
Qui me saisit et me laisse un terrible gout amer
Je me repends, hurle mon pardon mais il est trop tard
Je tue mon dégout et ma honte d'un couteau dans ma chair
Rêve qui est déjà devenu depuis longtemps un cauchemar

Lutte
Qui m'aguerrit et m'assagit, luttes de tous les jours
Et je pars mener d'autres combats ailleurs
Et je pars loin de toi mon douloureux amour
Rêve remplit de promesses d'une vie meilleure



Elle poussa un profond soupir mêlant mélancolie et espoir. Elle n'oubliera jamais ce passé qui l'a construit. Elle serra fort le petit carnet de cuir qui lui offre cette seconde chance...
Qui lui offre un nouvel avenir...
Fière Artisane Bleue, Membre de l'ANGE

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