une fuite (achevé)

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
deskhart
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une fuite (achevé)

Message par deskhart »

L'elfe noir, ligoté dans sa barque, échoue sur une petite île inconnue après une nuit de tempête. La mémoire lui fait défaut.

Après être difficilement parvenu à ramper hors de l'embarcation, il use ses liens sur les rochers.

Où est-il ? qui est-il ? trouvera-t-il réponse à ses questions ?

En quête de réponse, il divague sur le morceau de terre avant de se trouver face à une Elfe pâle qui lui inspire, sans qu'il comprenne pourquoi, une crainte indicible.

"Je suis Lasud, chargée de l'accueil des arrivants à Trépont"

Trépont... ce nom lui évoque vaguement quelque-chose...

Il se dirige vers le puit tout proche, et puise de l'eau pour se rafraichir. Il fait tomber un carnet aux pages cornées qu'il ramasse et dont il entame la lecture

carnet a écrit :Je suis Deskhart, Elfe noir du clan Khart Esyen. Au moment où j'écris ces lignes, j'ai finalisé mon accord avec ces humains. dans quelques jours, je serais en mesure de supporter le voyage vers les ilôts centraux. D'ici là, je reste sous bonne garde et peux profiter du temps qu'il me reste pour rédiger ces notes, devant me permettre de pallier l'amnésie souvent consécutive au voyage.



Comme tous les clans sombres, le clan Khart Esyen a une structure matriarcale.
Nous vénérons Lith, comme la plupart à ma connaissance.

Sous l'égide de la matriarche, les femelles se divisent en deux castes : les prêtresses et les sorcières.
Les prêtresses sont vouées à Lith l'une d'elle peut exceptionnellement se sacrifier pour la déesse au cours de cérémonies d'importance.
Les sorcières sont chargées de tous les soins aux combattants.
Elles ne participent jamais aux combats.

Les mâles également sont divisés en deux castes. L'affectation est décidée au quarantième anniversaire et n'a que très peu de chances de changer ensuite.
La plupart sont des combattants, élevés comme des brutes mal dégrossies tout juste bonnes à assassiner et lancer quelques sorts offensifs sans grande prétention.
Quelques élus, alliant qualités physiques, dispositions intellectuelles et grâce des traits intègrent la caste des reproducteurs. Les membres de cette caste, outre leur évidente fonction pour la longévité du clan, doivent satisfaire les désirs tant physiques qu'intellectuels des femelles.
Je comptais au nombre de ceux-ci. En fait, pour être exact, après avoir rapidement gravi les échelons, j'en devenais le responsable en même temps que la matriarche faisait de moi son favori. Elle était friande de raffinement, et la curiosité que je manifestais pour toute chose lui était de toute évidence très agréable. C'est pourquoi elle me laissa rapidement un libre accès à sa volumineuse bibliothèque personnelle.
S'y trouvaient des ouvrages traitant de tous les domaines : histoire, magie, artisanat, forge, potions, géographie, études anthropologiques des autres races établies dans les territoires alentours.

Mon intérêt fut bien vite attiré par ces derniers. Je remarquais que contrairement à nous, la quasi totalité des autres peuples fonctionnaient sur un mode patriarcal ou égalitaire.
Bien que fort bien traité en tant que favori de la matriarche, je ne pouvais m'empêcher de penser au sort des guerriers, ces brutes dont les morts inutiles étaient considérées comme des sacrifices à Lith.
Je ne cessais de me demander comment les choses se seraient passées si la déesse ne m'avait pas doté de tout ce dont peut rêver un mâle... et de tout ce dont les femelles ont envie d'un mâle.
Je commençais discrètement à coucher sur un parchemin quelques réflexions pour une organisation d'une société sombre plus équitable.
Bien que tâchant de paraitre égal à ce que j'avais toujours été, certains reproducteurs se rendirent compte d'un léger changement chez moi. Il n'en fallu pas plus pour que les ambitions de certains et la jalousie de la plupart soit à l'origine de ma disgrâce.

Le parchemin sur lequel je couchais mes réflexion fut découvert. Il ne fallut pas longtemps avant que la matriarche soit convaincue que j'en étais l'auteur.

J'évoquais plus haut le caractère exceptionnel du changement de caste dans mon clan.
Si des combattants valeureux au physique avantageux avaient exceptionnellement le privilège de devenir des reproducteurs, il arrivait aussi parfois qu'une disgrâce pour des faits jugés graves vaille à un reproducteur d'être dégradé au statut de combattant. Sans formation martiale digne de ce nom, cela valait bien souvent peine de mort.
Ce fut le sort que me réservait la matriarche.

Les femelles ne s'embarrassaient point de formalités judiciaires. Mon manuscrit découvert, je fut trainé sans ménagement dans la salle de réception de la matriarche, la pièce ou elle recevait toutes autres personnes que son favori. Elle y trônait sur son siège de cérémonie.
J'eus à peine le temps d'apercevoir la lueur de fureur qui embrasait ses yeux avant que l'on me force à baisser la tête.

"Je suis extrêmement déçue Deskhart. J'attendais beaucoup mieux de toi. Je n'ai pas fait de toi mon favori, te laissant toutes ces libertés, pour que tu te sentes autorisé à te dresser ainsi contre ta maitresse !"

"Si je puis me permettre Ilhar"

Je n'eus pas le temps de finir. Elle avait déjà bondi sous la colère, empoignant mon entrejambe.

"Plus un mot ou je broie ce qui faisait de toi mon reproducteur ! Tu as trahis ma confiance, et ce crime ne pourra s'expier que par ton sacrifice pour Lith sur le champ de bataille !"

Je fus mis aux fers jusqu'au raid de la nuit suivante.
Les instructions données aux autres combattants étaient claires : ils devaient me laisser en première ligne, et ne pas venir me prêter main forte si je me retrouvais en difficulté.
Le raid avait pour cible un village d'elfes pâles. Evidemment ceux-ci ne se sont pas laissé surprendre, et nous fumes accueillis par quelques volées de flèches auxquelles j'échappais par miracle. Je profitais de la confusion des corps à corps qui s'ensuivaient pour prendre la fuite, heureusement sans être repéré, et observais de loin le déroulement de la bataille.
Les pâlots anéantirent notre commando, suite à quoi je rentrais au clan sans demander mon reste, espérant naïvement le pardon de ma maitresse.

Mon récit de la défaite, évidemment amputé de celui de ma fuite, fut très mal accueilli par les femelles. A plus forte raison sachant que j'étais le seul survivant, alors qu'elles espéraient que je serais le premier tué.
La colère de la matriarche à mon égard, décuplée par cet incident, se déchaina sur moi.
Je fus trainé dans un cul de basse fosse qui servait à la torture, lorsque les combattants n'oubliaient pas de ramener un prisonnier encore vivant ou agonisant.
Mes vêtements arrachés, attaché au mur, je subis pendant plusieurs mois les pires sévices, jusqu'à perdre toute notion du temps.
Elles me gardaient à peine en vie, se plaisant à prolonger mes souffrances dans le but de briser tant mon esprit que mon corps.
Ma peau n'était plus que lambeaux, on versait du sel dans mes plaies pour amplifier la douleur et qu'elles ne puissent cicatriser. Les rats venaient mordre mes chairs entre les séances de torture.
Mes cris de douleur, audibles dans toutes les galeries du clan, devaient dissuader tout mâle de se dresser contre les femelles à l'avenir.
A demi conscient, je voyais parfois la matriarche venir dans la cellule, une lueur de satisfaction dans le regard, se repaitre du spectacle de ma déchéance.

Les sévices les plus cruels étaient toujours infligés en sa présence.

Un jour pourtant elles se lassèrent. Je fut vaguement soigné pendant quelques jours.
C'est quand on me fit harnacher d'une armure en piteux état que je compris que je n'en avais plus pour longtemps.
Cette prétendue protection était tout juste capable de cacher mon état à nos ennemis, les autres mâles devant être parfaitement conscient de ce qui les attendait s'il leur prenait des idées de rébellion.
J'étais tout juste capable de tenir debout et l'on m'envoya avec un commando réduit dans un raid sur un village d'humains proche de la côte.
J'étais porté plus que je ne marchais.
Comme ordonné par la matriarche, arrivés à peu de distance de notre cible je fus mis en première ligne. Dans mon état, je servais plus de bouclier semi-vivant que je ne pouvais esquiver une attaque de nos victimes désignées.
Mystérieusement, il semblerait que les villageois avaient été avertis de notre arrivée, si bien que nous fûmes encore accueillis par des volées de flèches.
La première salve m'atteint au bras et à la cuisse. Je m'effondrais en perdant connaissance.

Je m'éveillais dans une geôle gardée par des humains, ligoté de manière à ce que je ne puisse quasiment pas bouger.
J'avais une fois de plus trompé la mort
Le garde de faction averti son responsable que j'étais revenu à moi, et l'on commença à me questionner.
Feignant l'amnésie, c'est moi qui put lui soutirer des informations. Les humains sont si crédules, si aisément manipulables !
Le commando avait une fois de plus été anéanti. En vérifiant les cadavres, ils m'ont découvert inconscient et mal en point, ce qui leur avait donné suffisamment d'assurance pour qu'ils se risquent à me ramener à la prison de la ville portuaire voisine, prenant tout de même la précaution de m'entraver, dans le but de m'interroger.
Bien entendu, il était hors de question pour moi, malgré ce que j'avais subi, de leur révéler une quelconque information qui aurait pu porter préjudice à la sécurité du clan.
M'installant dans mon rôle d'amnésique, je profitais de ce que j'avais appris dans la bibliothèque de la matriarche pour améliorer mes relations avec mes geôliers.
J'étais bien traité. Du moins aussi bien que peut l'être un sombre par des humains. Certes, les conditions de ma détention n'étaient pas roses, mais c'était déjà un paradis comparé à ce que m'avaient infligé les femelles. Tandis que je me remettais lentement, je me surprenais -chose impensable- à commencer à apprécier la compagnie de ces humains, pauvres créatures mortelles et si fragiles qui avaient pourtant anéanti un raid des nôtres.

Mais toutes les choses ont une fin, et il n'est de bonne compagnie qui ne se quitte.
La présence prolongée d'un sombre en convalescence dans une cellule de la ville n'était pas vue d'un bon oeil par les habitants, qui craignaient pour leur sécurité.
J'en étais conscient, c'est pourquoi je passais un arrangement avec les autorités locales.
J'avais pris connaissance de l'existence de terres sauvages dans la mer intérieure. Je demandais à ce que l'on me laisse une embarcation afin de m'y rendre.
La négociation fut âpre, mais finalement j'obtins ce que je voulais.

Une nuit, on me fit sortir de ma cellule après m'avoir entravé. Toujours ligoté, on me fis monter dans un frêle esquif qui fut confié aux flôts, tandis que je confiais mon âme à Lith.
Refermant le carnet le sombre le rangea dans son sac en pensant

hum... voilà qui explique au moins ma terreur des femelles et toutes ces cicatrices...
[Deskhart
ancien Chambellan de Seridia, amnésique et farouche]

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