[V] La seule vraie question sérieuse...

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
Elengrim
Messages : 4
Inscription : 17 nov. 2008, 21:44
Localisation : Lyon
Contact :

[V] La seule vraie question sérieuse...

Message par Elengrim »

Le jeune Elengrim avait vécu dans un milieu fermé de terres humaines égarées. Sa famille, du nom de Yur d'Elen, s'était mise à l'écart depuis de nombreuses générations. Pendant tout ce temps elle ne sut transmettre à ses enfants et à ses gens que l'amertume et le désespoir. Yur d'Elen était une terre autrefois luxuriante de vie et de couleurs. Les fleurs y foisonnaient autour des blés d'or, des arbres donnaient des fruits succulents et la chasse dans les forêts environnantes était autant une richesse inépuisable qu'un plaisir incomparable. Les Seigneurs Grim, étaient enviés dans les contrées environnantes, jusqu'à des centaines de lieues, pour posséder un tel domaine. Ces landes étaient, en effet, parmi les plus vivantes et joyeuses. Hélas...

Mes parents refusent de comprendre. Ils ne font que machinalement reproduire ce que grand père et l'aïeul Bernk et les autres ont reproduit toute leur vie. Les Seigneurs Grim n'existent plus... il n'y a plus que des fermiers de rien du tout, refusant de faire la guerre car un nom sans terre est un corps sans âme... mais un corps sans âme. Qu'est-ce ?

Reconnus, appréciés, donnant aux Hommes du pays de valeureux soldats, produisant de la qualité pour les marchés des Landes, les Seigneurs Grim ont tout perdu avec le grand cataclysme. La moitié du royaume Eldoran fut détruite. D'innombrables familles disparurent ou durent fuir, mais pour les Grim, la destruction de Yur d'Elen, des premières inondations et coulées de boues, jusqu'à la fuite après de nombreux pillages... le déchirement fut terrible.

pourquoi doit-on encore porter le fardeau d'un malheur que nous ne nous représentons même pas ?! Les quelques images de Yur d'Elen ne montrent qu'un champ et un verger, une bâtisse et quelques gibiers... il fallait y vivre pour comprendre m'a-t-on dit. Soit. Mais seuls les poissons et les Sauriens peuvent y vivre aujourd'hui. Je sais le devoir que j'ai de respecter la volonté de ma famille. Je sais que les morts gouvernent les vivants. Mais, leur volonté peut prendre d'autres voies...

Le jeune Elengrim était l'aîné, mais ses frères et soeurs, d'amorphes formes humaines errant dans les champs et ne disant mot pendant les repas avaient bien mieux repris le flambeau familial que lui. Seul, son jeune cousin Jelim avait conservé cette joie enfantine, l'espièglerie de la jeunesse et le sourire de vie des enfants normaux. Elengrim lui, avait pris l'air sombre de ses aïeux, mais il sentait son coeur chaut quand il jouait ou simplement regardait l'enfant jouer. Les mois passant, Jelim s'ennuyant, se trouvant seul, cherchait à avoir des contacts avec d'autres enfants, de passage ou venant près de la ferme.

Pourquoi ne pas le laisser aller avec ces gens ? Il est comme eux ?
C'est un Grim. Les Grim ont été les témoins de la chose la plus horrible au monde, ils doivent en conserver le souvenir et revivre ce moment jusqu'au jour où les Landes auront reçu leur lot de larmes.

Alors petit à petit les éclairs de joie de Jelim se firent plus rare, à douze ans, Elengrim était obligé de forcer sa nature pour faire jouer et rire Jelim. Mais celui-ci devenait plus sombre. Par trois fois Elengrim tenta de faire fuir le jeune Jelim qui se consumait de désespoir. Il n'y eut pas de quatrième fois. Une nuit, Jelim accrocha une corde autour de la branche principale de l'arbre préféré de son enfance, celui où Elengrim le regardait souvent.

La seule vraie question sérieuse, c'est le suicide. Jelim fut enterré au pied de l'arbre de sa mort. Une autre nuit, c'est Elengrim qui attacha une corde. Mais alors qu'il commençait à se débattre contre une mort prochaine la corde fut tranchée, Elengrim battu, traité de lâche et jeté dans un box.

La mort violente, ou la non mort.

Deux semaines plus tard, les fermiers Grim ne trouvaient plus leur aîné. Ils trouvèrent un mot gravé sur le bois de son lit : Trépont.

Répondre