Voyage d'une kultar en pays Sinan

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
Avatar de l’utilisateur
Azathoth
Messages : 41
Inscription : 21 juil. 2011, 09:34
Localisation : Montpellier / Paris / Marais de Morcraven

Voyage d'une kultar en pays Sinan

Message par Azathoth »

Extraits des Carnets de voyages d'une Kultare , 200 pages sur parchemin velin, magnifiquement illustrées des tableaux de l’auteur que nous reproduisons ici.

Chapitre III : En Terre Sinane

[…] C’est non sans une certaine émotion que j'ai décidé de poser mes pinceaux et chevalets sur les quais magnifiquement maçonnés de la Cité du Port, joyau et gloire de la civilisation Sinane dans les îlots centraux. Je tenais à tout prix à prouver qu’indépendamment de leur attirance abjecte pour les plus blasphématoires des arts occultes, ces derniers pouvaient demeurer des personnes tout à fait convenables…

Il y a cependant des moments où les plus tenaces illusions s’évanouissent sous les coups de boutoir d’une réalité des plus sordides […].

C’est tout d’abord l’acre remugle de pourriture qui vous saisit à la gorge, qui foudroie votre odorat. Pas l’odeur forte, riche et iodée de la mer, celle que l’on peut s’attendre à trouver dans un port, mais une abominable odeur de décomposition qui flotte dans l’air. Une odeur corrompue, celle d’une putréfaction abominable d’une chair trop longtemps morte mais encore exposée aux éléments. Une odeur qui a sa place dans un charnier de champ de bataille, mais non dans les rues pavées d’une cité d’apparence tranquille. La ville entière pue le cadavre. Certes, pas de squelettes brinquebalant au vu et au su de tous, mais une senteur qui vous rappelle que la Grande Faucheuse est là, au dessus de vos têtes […].

[…] Je gagnais alors la place du Commerce de la Cité et abordais, joviale, une certaine « Vae » qui officie dans son échoppe de la Place du commerce. Alors que je choisissais quelques articles pour me restaurer sur sa devanture, cette dernière me jette un regard noir et m'apostrophe brutalement : « Filez avant que je n’appelle la garde ! Je ne veux rien avoir à faire avec des étrangers de votre espèce ! »… Par l’Alta Mundi ! Même les Nains m’ont mieux reçus ! Dans aucune contrée de Séridia, jamais aucun natif ne s’était alors adressé à moi ainsi… Lorsque l’un d’entre eux ne veut pas vous parler, il vous le signifie, certes, mais nulle part avec une telle virulence : tout juste se contente t-il d’un « je ne fais pas affaire avec les aventuriers de votre peuple »… […]

Image
Violente et Vindicative Vae, huile sur bois, 97x68

J’entre alors dans l’échoppe attenante afin d’acheter quelques fournitures en vue de m’aventurer dans les terres Sinanes. Je pousse non la porte… et me retrouve au milieu d’un véritable capharnaüm, tel que je n’en ai jamais vu chez aucun commerçant des ilots ! Le vendeur est visiblement complètement dépassé par la situation, des sacs de marchandises jonchent le sol de toute part, dans le plus grand désordre, et c’est hagard, qu’il me propose ses services […] Je décline prudemment et sors du magasin. Avisant alors la Taverne de la Divine outranque qui lui fait face, je décide d’aller manger afin de me remettre de mes émotions […].

Image
Le vendeur dépassé, huile sur toile, 75x45

[…] Je m’assieds sans ambages, encore ébranlé par mes deux rencontres précédentes, commande une bouteille de vin ainsi que le plat du jour. L’aubergiste, affable et disert, me les apporte, vantant les mérites de son établissement et les splendeurs du pays. Gagnée par le sentiment rassurant d’une bienheureuse normalité, je laisse mon esprit vagabonder, quand je suis brutalement tirée de ma rêverie par une douleur aigue au mollet… Baissant les yeux, j’aperçois les griffes d’un énorme rat noir s’enfonçant à travers le tissu de mon pantalon de voyage… Je bondis, horrifiée, et me retourne vers l’aubergiste… Qui visiblement ne prête aucune attention au spectacle : des dizaines de rats, attirés par l’odeur du repas, ont envahi la taverne, grouillent sur le plancher, circulent entre nos pieds et ceux des chaises, mais l’homme à l’air de considérer la chose comme absolument normale… Je me rue dehors, horrifiée, l’estomac révulsé à l’idée que cet homme dépourvu de la plus élémentaire notion d’hygiène vient de me préparer un repas, et rend mon déjeuner dans le port, sous l’œil narquois des passants […].

Image
Le nid de l’immondice, lavis sur toile, 97x89

[…] Je suis arrivé dans la petite agglomération au nord ouest du territoire, que l’on m’a décrite comme « charmante et accueillante », fuyant ce cloaque méphitique qu’est la Cité du Port, où derrière l’apparence de la propreté se dissimule crasse et immondice. Mes poumons s’emplissent d’un bucolique et primesautier parfum, avec en arrière plan comme une légère odeur capiteuse […] Mais je dois vite déchanter : A l’entrée du hameau, je suis accueilli par un Sinan, visiblement très pauvre, qui n’a d’autres logis qu’une caravane. C’est la première fois (hormis chez les nomades) que je vois un natif vivre dans une caravane. Je suis choquée, de telle chose n’existant pas en Morcraven où tous les Kultars font preuve d’une solidarité sans faille : Suite à la catastrophique inondation qui dévasta l’ancienne ville au sud des Marais, notre ville Acks’in, bâtie de neuf, abrite aujourd’hui tous les Kultars… Une carcasse de cerf fraichement tué gît au pied de la roulotte dans une marre de sang, et par terre est posé un sac (le fruit d'un butin ?) que le Sinan regarde avec gourmandise. Je m'éclipse discrètement, sans attirer l'attention de la brute […].

Image
Le campement du Sinan, huile sur bois, 61x54


Je choisis deux jours après mon arrivée de quitter le territoire Sinan… Je déconseille vivement à tous les voyageurs qui ne s’y rendraient pas par stricte nécessité, d’y demeurer […].
Si vis pacem, para bellum

Répondre