La Méditation

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
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Serwin
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La Méditation

Message par Serwin »

L'arbre de l'éternité

Martelant la glace, léopards et ours vadrouillent oisivement dans les steppes glacées d'Irilion. Le calme a depuis longtemps envahis la douce solitude qu’offre le paysage trassianien. Soudain, une lumière éclatante brise le silence dans un vacarme éblouissant. Le magicien atterrit brusquement dans la neige, enfonçant profondément ses bottes dans la poudre blanche. Les flocons s’écartent à son passage et volettent pour retomber plus bas. Serwin frotte son manteau pour en chasser la neige et lève son nez vers le ciel.

Le soleil s’étire, baille quelques étroits rayons, il décrit timidement un arc de cercle derrière les montagnes. Les majestueux pics de glace reflètent sa douce lumière orangée. Voilà que coule l’Aurore. C’était son heure, sa favorite.
Il n’était plus question de rester immobile à s’extasier béatement de ce spectacle coloré. L’aube n'attendra pas. Il était temps de méditer.
A tâtons, il cherche appui sur son bâton de marche, inséparable compagnon de ses voyages les plus fous.
Rodry lui avait dit qu’il trouverait dans cette région un de ces arbres, fort, grand, magique et majestueux. Son contact lui ferait peut-être retrouver les étroits liens qu’il avait tissés avec la Nature.

Le jeune elfe se réchauffe les mains, expiant l’air chaud de son corps, il cherche une porte d’entrée pour Dra Syn. Sa légendaire impatience finit par prendre le dessus, si bien qu’il décide de se téléporter directement à l’intérieur. Pendant des heures, Serwin explore vainement les étroits dédales qui composent l’ancienne cité de Trassian. Une goutte de déception perle son visage désappointé. L’ombre du découragement le traverse, avant qu’il ne pénètre dans la dernière salle jamais visitée.

Mais voilà que se dresse devant lui l’arbre mystique. Sa coquette robe d’écorce séculaire luit et reluit dans la pâle obscurité. Là, au cœur de la grotte, il trône tel un océan de sagesse dans son domaine gelé. Sa barbe feuillue bruisse doucement à l’approche de l’elfe vert, mais le tronc ne tressaille pas. Comme une invitation, les branches s’écartent légèrement pour laisser Serwin s’y engouffrer.

Un pincement au cœur. Un éclat de fierté filtre son âme reconnaissante. Le corps du magicien est parcouru d’un doux frisson. Il se pourrait bien que cela fonctionne. « Oui. La Méditation peut enfin débuter. »
"Il y en a à qui il faudrait conseiller la folie."

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Serwin
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Re: La Méditation

Message par Serwin »

Méditation

Le sol était froid, aussi l’elfe se résolut-il à déplier son manteau pour couvrir la terre gelée. Il s’assit en tailleur au pied de l’arbre, effleurant de ses doigts la fourrure de loup mêlée à celle du renard. « Des animaux nobles. Malins et rusés. L’apanage des puissants. Ceux qui survivent. »

Serwin secoue la tête comme pour chasser ses pensées. Il était temps de méditer, vraiment temps. L’elfe sortit de sa besace les quelques ingrédients pour l’aider à entrer en immersion. Par des gestes lents et théâtraux, il dispose devant de lui une essence aérienne, terrestre, volcanique et aquatique, symbolisant les quatre éléments. Le contact avec les formations de la Nature est primordial pour entrer en liaison avec elle. Maisavant de ne faire qu'un avec la Nature, il faut d'abord rentrer en soi. A proximité de son flanc droit, l'elfe y fait brûler de l’encens. Il ne manque plus que la touche finale, le « petit plus » qui peut tout changer ! Le marchand d’orange sort un pot de miel de sa besace. Ce n’est pas le produit de son maître, mais il fera avec. Le fruit de Starenlith suffira. Rodry le lui avait dit pourtant, il fallait un élément de la nature qui ait été créé pour que cette méditation intensive fonctionne. C’était peut-être ce manque qui avait fait échouer ses précédentes tentatives.

Ses yeux se ferment tandis que ses lèvres remuent lentement pour laisser s’envoler quelques paroles imperceptibles. Les mots se font plus prononcés, presque un chant. En l’honneur des Tuvars ? Qui sait.
L’elfe se laisse aller au gré de sa propre mélodie, bercé par la caresse feuillue de l’arbre géant. Les senteurs de l'encens naviguent autour de lui et viennent l'emporter dans le torrent des sens. Mais soudain, le flux et le reflux de ses pensées viennent l’assaillir, le submerger.

Le voilà pris dans la tempête, inondé par un océan de songes, d’idées et de concepts. La mémoire surgit du ressac ; batailles d’idées et hurlements de cœur, conflits perpétuels et luttes incessantes. Tout se bouscule en un concert et un fatras de pensées violentes. Le chaos. Ses muscles se tendent, ses phalanges blanchissent ; une goutte de sueur vient perler son visage assombri par la confusion. Mais le beau temps vient toujours à point nommé. La bourrasque a tôt fait de souffler. Les vagues se font de plus en plus rares, se dissipent et laissent place à un calme absolu. Son esprit n'est plus qu'une mer immobile, pacifique et paisible.

La méditation a enfin démarré, et l'âme de Serwin observe un silence inflexible. Plus aucune pensée ne vient perturber son attention, désormais fixée en lui-même. Alors qu'il rentre en son dedans, la présence de la Nature s'intensifie, il commence à en ressentir les bienfaits. Un sourire vient s'extraire de son visage serein ; il n'a -presque- jamais été aussi bien.

Il s'abandonne et s'évade enfin. Il est libre.

Puis il perd conscience.
"Il y en a à qui il faudrait conseiller la folie."

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Serwin
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Re: La Méditation

Message par Serwin »

L'Eveil

L'elfe sort de sa torpeur. Il a toujours les yeux fermés, il n'a pas envie de les ouvrir. Pas maintenant. Il se sent étonnamment bien. Rien ne vient entraver ce calme intérieur qui l'envahit comme une seconde peau. Son esprit n'est plus agité par quelconques pensées ; il est vide de toute crainte et de tout jugement. Sa jambe morte ne lui fait plus souffrir, ou en tout cas ne la sent-il plus quémander, baigné dans cet océan de satisfaction.

Combien de temps la méditation a-t-elle duré ? Une heure ? Un jour ? Une semaine ? Il n'en sait rien. Serwin profite encore de ces quelques rares instants de calme avant d'ouvrir les yeux. Sans rien voir, il arrive à ressentir la présence de l'Arbre, le doux parfum émanant de ses fruits, le bruit de l'eau qui s'écoule, le contact avec le sol. L'elfe goûte un à un la saveur des cadeaux que lui offre la Nature. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas fait attention à ses petites choses, qui imprègnent pourtant son quotidien.

Il ouvre les yeux.

Et voilà qu'il redécouvre les lieux. Un espace d'un vert profond, endormi dans la quiétude de la neige. Les brins d'herbes s'enlacent langoureusement avec les flocons blancs, protégés par une muraille de rochers disposés en rang. Les couleurs semblent plus vives, plus intenses, plus vraies. Au loin, l'elfe entend les minéraux bourdonner quelques chants gutturaux. Un petit caillou s'abandonne au banc et plonge dans la rivière souterraine. Le clapotis de l'eau. Il fait froid ; il le ressent mais ne le refuse pas. Il l'accepte et le laisse entrer en lui. Il savoure son toucher glacial. Tout lui paraît nouveau, tout à un sens, tout n'est plus que beauté et émerveillement. La sérénité absolue. L'elfe écarte lentement ses doigts, esquisse des brefs mouvements pour réveiller son corps. Ses gestes sont plus lents, plus posés, plus réfléchis.

Une joie sauvage et céleste l'imprègne quand il se lève. Son regard a changé. Plus mystérieux et sibyllin, il trahit la clarté d'une illumination intérieure. L'ombre d'un sourire gagne ses lèvres. Serwin se dirige vers la sortie, plus sûr que jamais, prêt à affronter les nombreuses épreuves qu'osera lui donner l'Aventure. L'elfe est retourné à sa vraie nature, à ses racines profondes. Il se sait le jardinier du jardin de son esprit. Il perçoit la Nature avec lui et en lui, et ne laissera personne l'en défaire.
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