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esbanel

Publié : 05 mars 2006, 01:00
par esbanel
Une brise légère, un horizon limpide nous annoncent une magnifique journée. Au loin, on distingue une imposante bâtisse... Approchons nous :).

Son aspect général est plaisant, de forme allongée, rectangulaire. Ses murs sont blancs, presque éblouissants à la lumière du soleil, un toit couleur de terre, de nombreuses ouvertures laissent à penser que ses habitants aiment la lumière. Autour, de la verdure, des potagers, des arbres fruitiers. Ainsi entourée, cette maison évoque un havre de paix. On voit aux alentours plusieurs personnages de différentes tailles travailler ensemble dans les potagers, on imagine que plusieurs races se côtoient en harmonie... Ah ! Si certains sont affairés, on en voit d'autres qui sont assis, sans bouger : des statues ? Approchons nous encore. Nous sommes sur les terres de la communauté d'Inneïsis.

En voici un, sous un arbre. Assis en tailleur, les mains posées sur les genoux. Le dos bien droit et la tête relevée, il a le port noble. Cette impression semble émaner de sa posture. Une autre particularité éveille notre sensibilité : il émane de lui une impression de tranquillité et de force étrange, car comment expliquer ce ressenti ? Peut-être cela tient-il de son activité présente, car détrompez vous, il ne dort pas ! Il est à l'affût, comme un guerrier de sa proie, de son propre esprit, et maîtrise l'afflux de pensées de façon à laisser son esprit vierge, comme une grande étendue d'eau qu'aucune onde ne trouble.

Cet homme, un Eldorian, se nomme Esbanel, et est donc, malgré les apparences, en grande activité. Pourquoi, me direz vous, fait-il cela ? Voyons, ne nous égarons pas, restons simples ... Les êtres vivants, de manière générale, sont d'abord comme le germe d'une plante : une graine, prometteuse mais discrète, voire disgracieuse. A l'instar des plantes qui, lorsqu'on en plante des graines et qu'on les cultive, finissent par germer en quelque-chose de bien plus beau, un être qui saurait se cultiver serait à même de faire de lui même bien plus grand que ce qu'il n'est.

On pourrait alors comparer Esbanel au bouton d'une fleur. Ce n'est plus un enfant, ce n'est plus une graine, mais il est loin d'être accompli. Comme le bourgeon, il est entouré d'une coquille qui le protège du monde extérieur, car il a encore besoin de cette protection. Lorsqu'il s'assoit et s'exerce ainsi, il libère son esprit qui alors, ouvre ce bouton en une fleur aux pétales resplendissantes. Alors qu'il semble replié en lui même, son esprit s'ouvre au contraire au monde extérieur. Il renforce ainsi son lien avec son environnement, la terre, la place qu'il y occupe. Comme la plante qui se nourrit du sol par les racines, la fleur épanouie qu'est Esbanel à ce moment ressent la terre, celle qui glisse entre les doigts, et tout ce qu'elle porte comme une extension de lui même, une partie de lui.

Ce ressenti va définir son rapport avec son environnement, la façon dont il perçoit les autres. Mais chut ! J'entends des pas, laissons Esbanel continuer la narration.


Un bruissement de tissus m'indique que quelqu'un est arrivé, et s'assoit face à moi. Ces bruits cessent, pour laisser place à une lente et calme respiration. Je reconnais ces bruits, et un profond plaisir m'envahi.

Calmement, lentement, comme il me l'a apprit, je quitte cet état de transe, cette méditation. J'augmente graduellement ma respiration, puis je bouge doucement quelques membres, afin d'éveiller mon corps. Enfin, j'ouvre les yeux.

Je découvre de larges épaules, quelqu'un de grand et robuste est assis face à moi, en tailleur. Il est revêtu d'un vêtement de tissus épais, brun. Un chemisier fermé par des boutons de bois, et un pantalon maintenu par une ceinture de corde tressée. Je suis revêtu de la même façon. C'est un Galdur, et même assis, il a bien une tête de plus que moi. Entouré de cheveux blonds, coupés très courts, son visage sourit tout entier, ses yeux pétillants expriment toute la bonté de mon maître spirituel, et me regardent.

- Bravo Esbanel, tu es parvenu à quitter la méditation correctement. N'oublie jamais, que ce soit au lever le matin, ou après une méditation, que la façon dont tu traites ton corps et ton esprit ces premiers instants vont conditionner tes émotions et ton bien être. C'est le début de l'équilibre ... ou du déséquilibre.

- Je vous remercie, Maître.

Mon regard se porte autour de nous, nous sommes assis dans l'herbe, le soleil brille, et son éclat est atténué par les branches d'un arbre, au dessus de nous. Illath, un elfe, s'y tient en méditation depuis le début de la journée.

- Tu as demandé à me voir, Esbanel ? (As-tu réfléchi à la proposition que je t'ai faite ?)

- Maître, vous m'avez demandé si je m'estimais prêt à quitter la communauté pour affronter le monde extérieur. Mes peurs me dictent de refuser, mais si je leur cède, il est probable que je ne parte jamais d'ici. Donc, je dis oui. Cependant, vous ne m'avez pas dit si selon vous, le moment était venu ?

Je sourit à mon maître, dont les yeux s'emplissent de tendresse.

- Là encore, tu écoute tes peurs Esbanel, et tu n'entends plus ton esprit. Le seul fait que je t'ai posé cette question montre que j'ai en toi toute confiance, et que je t'estime prêt à cela, n'est ce pas ?

Surpris et désolé de ne pas avoir vu cela plus tôt, je me bat contre un sentiment de honte naissant, pour au contraire redresser la tête et assurer ma confiance.

- Oui maître, vous avez raison, et j'aurais dû le voir.

Il se lève et m'invite à suivre ses pas vers les vergers.

- Ton regard se durcit, sois indulgent avec toi même, il est naturel que tu ressentes cela, cela fait plusieurs années que tu partage notre existence, et je te propose de changer cela, il est normal que ça te touche.

- Mais maître, notre formation nous prépare au changement perpétuel de la vie, à l'impermanence, pourquoi n'ai je pu contrôler ces accès de peur ?

Il s'arrête et se tourne face à moi, le regard songeur.

- Esbanel, imagines un instant qu'un guerrier à l'épée passe des heures à s'entraîner seul, à s'imaginer combattre un adversaire, et qu'au terme de plusieurs années de cette pratique, estimant être un bon guerrier, il part affronter un ennemi, que lui arriverait-il ?

- Il est probable que, fort de sa pratique, il puisse s'engager. En revanche, il n'a aucune expérience de la façon dont une personne pourrait réagir face à lui, et il ne survivrait sans doute pas à son premier combat.

- C'est probable, en effet. Isolé dans son entraînement, il n'a bénéficié de l'expérience de personne. De plus, n'ayant jamais affronté d'autre que sa propre imagination, il se trouvera constamment face à l'inattendu.

Il me regarde, semblant scruter mon visage. Pour ma part je suis toutes ouïes, et cherche ce qu'il souhaite me révéler.

- Maintenant, prenons un autre exemple, le meilleur forgeron de tout le pays, vieillissant, décide de prendre un apprenti. Pendant un an, il va prendre cet apprenti à part et le former oralement. De rares fois, il lui montrera les outils qu'il évoque, sans le laisser les toucher. Il lui enseigne tout son savoir, ses techniques les plus secrètes... mais voilà que le forgeron meurt. Bien entendu, on attends beaucoup de choses de cet apprenti. que sera t-il capable de faire selon toi ?

- Eh bien, il n'a aucune expérience, et même s'il a bien retenu les enseignements de son maître, comment pourrait-il fabriquer quoi que ce soit alors qu'il n'a jamais pratiqué ? Il est totalement démuni, saura t-il seulement allumer le feu de la forge ? Il y a de fortes chances que faute d'avoir pu assimiler l'enseignement à travers l'expérience, il en oublie la majorité.

- Très juste. Maintenant, considère notre communauté avec un regard neuf. Tous a parcourir des voies parallèles, à la recherche du meilleur de nous même, ce serait comme si nous n'étions qu'un ?

Une évidence traverse mes esprits.

- Mais bien sûr ! Dans notre communauté, au delà d'un certain degré d'enseignement, il n'est plus possible de progresser. Même si nous sommes quotidiennement confronté à autrui, ces relations sont toujours positives, car nous recherchons tous l'harmonie. Nous serions donc, à l'extérieur, face à l'inattendu tout comme ce guerrier, et totalement exposés. De plus, nos outils, vos enseignements, même s'ils ont été éprouvés, ne l'ont jamais été comme ils le seront ailleurs. Je comprends.

- Bien Esbanel, je conclu avec ceci : ne quitte pas la communauté en imaginant ton enseignement terminé car c'est son véritable commencement, au contraire. Tu va te trouver maintenant confronté aux véritables épreuves et nous n'avons fait, depuis que tu es arrivé ici, que te préparer à les vivre au mieux.

- Maître, dans ce cas, j'accepte avec plaisir votre requête, je vais me rendre dans les îlots centraux !

- Parfait, tu seras investi d'une double mission : en premier lieu, mener ton enseignement en utilisant ce que nous t'avons appris. Ensuite, comme partout sur ces terres, les races sont divisées, nous souhaitons que tu fasse ton possible pour unir les peuples.

- Oui, Maître.


Leurs visages s'éclairent d'un grand sourire et, tout dans leur reconnaissance mutuelle, se donnent une franche accolade, où Esbanel paraît bien petit face à son Maître.