Bastian Fontana [Inachevé]
Publié : 09 juin 2011, 19:00
Deux jours avant le grand voyage…
-Coupable !
La sentence que tout le monde attendait venait de tomber. Le Sinan l’accueillit sans broncher, d’un air résigné. Des cris retentissaient dans la salle où tout le monde semblait satisfait de cette décision.
-Bastian Fontana, levez-vous.
Il se redressa lentement, la gorge sèche, et toisa le Juge face à lui.
-Pour les meurtres de monsieur Kel’ Denem Sadil, de sa femme et de leurs quatre enfants, vous êtes déclaré coupable et êtes condamné à la peine de mort par pendaison.
Ces mots résonnaient encore dans la tête de Bastian quand les gardes le raccompagnaient à sa cellule, dans le sous-sol du petit fort situé à l’entrée du village Kultar.
Faire le vide, réfléchir, vite. Se remémorer l’enseignement de la Guilde.
S’échapper par la force ? Impossible, malgré leur petite taille, les 4 gardes armés de lances l’encadraient de trop près, sans compter la foule hostile tout autour, prête à le lyncher sur le champ si l’occasion pouvait se présenter. De plus, il avait les mains liées par une épaisse corde de chanvre.
Soudoyer les gardiens ? Avec quoi ? Bastian n’avait rien à proposer qui ait une quelconque valeur.
Ils étaient déjà en vue du fort. Il restait deux grandes huttes au toit de chaume à passer, et ce qui ressemblait vaguement à une auberge, avec quelques tables disposées sur une petite terrasse.
Le village était situé au beau milieu des marais, en plein territoire Kultar. La région Sinane la plus proche était à plusieurs jours de marche, au Nord-Ouest. En cette saison, les canaux étaient inondés et il estima qu’il lui serait impossible de s’enfuir à pied. Il lui faudrait donc emprunter une des petites barques à fond plat aperçues quelques jours auparavant, quand il était arrivé sur les lieux.
Quelques mouettes planant dans le ciel d’un bleu profond indiquaient que l’océan n’était pas très loin, quelque part vers l’Est. S’il parvenait à l’atteindre, il aurait de grandes chances de s’en sortir. Pendant deux années, il avait été mousse à bord d’un grand navire de la flotte appartenant à sa ville natale, avant d’être enrôlé dans la Guilde. La navigation ne lui faisait pas peur et voler un petit voilier ne devrait pas être trop compliqué.
En arrivant au niveau de la petite terrasse, il déséquilibra le garde situé à sa droite et d’un bond sauta par dessus la table la plus proche qu’il renversa et s’engouffra dans l’auberge, suivi de près par les trois autres soldats. L’un d’eux lui décocha un coup violent au niveau de la cuisse avec le manche de sa lance. Bastian s’affala de tout son long, tenta de se relever et en reçu un autre au niveau de la tempe qui lui fit perdre connaissance. Il ne sentit même pas la pluie de coups de pieds dans son dos et sur son visage.
Quand il retrouva ses esprits, il était allongé par terre dans sa cellule, les mains toujours entravées. Le sang obscurcissait sa vue et lui laissait un goût âpre dans la bouche. Malgré tout, on pouvait deviner qu’un léger sourire se dessinait sur ses lèvres tuméfiées. Sous ses vêtements il sentait le manche en os d’un couteau subtilisé sur la table qu’il avait renversé. Personne ne l’avait vu faire.
Bastian attendit la nuit que le village s’endorme avant d’agir.
Trancher les liens qui l’entravaient avec le couteau lui prit quelques minutes. Il massa un instant ses poignets douloureux avant de découdre la doublure de son pantalon. Les gardes n’avaient pas détecté la présence de ses crochets à l’intérieur. Ouvrir la serrure de sa geôle fut un jeu d’enfant.
A la respiration lente et régulière de l’unique gardien, le Sinan savait qu’il dormait profondément et s’approcha de lui sans un bruit pour lui dérober son trousseau de clés. C’est quand il fut à quelques centimètres du Kultar qu’il reconnu les traits de l’un de ses bourreaux qui l’avaient torturé pendant plusieurs jours avant que le Jugement ne soit donné. Il lui mit une main sur la bouche pour étouffer ses cris et lui planta le couteau en plein cœur en faisant pivoter la lame pour provoquer une hémorragie massive qui lui assurerait une mort quasi instantanée.
Le fugitif prit le temps de faire les poches du cadavre, de récupérer sa bourse bien garnie ainsi que sa dague et quelques victuailles posées sur la petite table ronde à ses côtés, puis il sortit de la prison sans rencontrer personne.
A l’exception de deux torches qui brûlaient au niveau de l’entrée du fort, l’obscurité était totale. Bastian choisit le coin le plus sombre pour se laisser glisser le long des remparts formés de longs rondins de bois.
Il se dirigea sans encombre jusqu’aux embarcations repérées quelques jours avant son arrestation et prit soin de sélectionner celle qui lui semblait être en meilleur état. Avec la dague du garde, il sabota le fond de toutes les autres qui ne tardèrent pas à s’enfoncer dans l’eau noire du marais.
Il lui fallut le reste de la nuit pour atteindre l’océan, couler la barque et trouver une cachette sûre.
La veille du grand voyage…
Une plage de sable fin serpentait vers le Nord à perte de vue tandis qu’au Sud elle s’arrêtait brusquement, bloquée par de gros rochers de calcaire qui formaient au loin une haute falaise au pied de laquelle on apercevait quelques petites cabanes, probablement un village de pêcheurs.
Ce n’est qu’aux aurores que l’on sonna l’alerte dans le village Kultar, quand le corps du gardien fût découvert par celui qui devait le relever. Rapidement la traque du fugitif s’organisa et l’on commença par fouiller le fort, puis chaque logement du village. Les barques furent sorties de l’eau et quelques villageois s’employèrent à les réparer, ce qui retarda l’étendue des recherches de plusieurs heures.
Le soleil commençait à décliner quand un des petits groupes de recherche arriva sur la côte, occupé à trouver le moindre indice du passage du Sinan. Ils passèrent à proximité de sa cache à deux reprises avant de rebrousser chemin, aucune trace n’ayant été repérée.
Bastian passa la journée à se reposer, confortablement installé dans sa cachette. Il se nourrit des aliments récupérés dans la prison, deux poissons séchés, une pomme rouge et un beau morceau de fromage, ce qui lui permit de patienter jusqu’à la nuit tombée. C’est néanmoins la faim au ventre qu’il quitta son abri de fortune pour se diriger vers le village de pêcheurs.
Le hameau était composé d’une demi-douzaine de cabanes en bois sur pilotis. Deux longs pontons rectilignes plongeaient tout droit vers la mer, espacés d’une vingtaine de mètres. Entre les deux étaient amarrés cinq modestes bateaux de pêche, tous construits à l’identique; Des petits voiliers maniables mais pas très rapides, qui pouvaient résister à la colère parfois terrible de l’océan.
Quelqu’un veillait sur le ponton le plus proche. Ceux des marais les avaient certainement avertis de la présence d’un évadé.
Bastian se hissa sur la terrasse de l’une des petites maisons. Une odeur forte de poisson lui fit plisser le nez ; Il y en avait partout, suspendus à des cordes détendues par leur poids, qui séchaient grâce à l’action du soleil et de la brise maritime. Il en préleva quelques uns qu’il fourra dans un sac en toile de jute trouvé accroché à un vieux clou rouillé.
Le sac sur l’épaule gauche, la dague serrée dans la main droite, dissimulée le long de la cuisse, il avança silencieusement droit vers le garde. Quand celui-ci l’aperçut enfin, il était à moins de dix mètres.
Une voix enfantine et mal assurée se fit entendre :
-Qui va là ? Arrêtez-vous !
-C’est moi.
Bastian avait prononcé ces mots calmement et continuait d’avancer lentement vers le jeune garçon, puis il s’arrêta à environ trois mètres. Le petit Kultar était apeuré, hésitait à crier pour alerter le hameau.
Le Sinan ne lui laissa pas le temps de se ressaisir et jeta aux pieds du gamin la bourse dérobée la veille.
-J’achète ton silence et ce bateau là. Tu sais nager ?
Il dévoila sa dague pour lui montrer que ce n’était pas négociable.
Le Kultar, âgé d’une douzaine d’année, hocha la tête, incapable de prononcer quoi que ce soit.
-Grimpe dans le bateau, petit. Tu vas m’aider à partir.
En quelques minutes, ils appareillaient et filaient droit vers le large. A environ 200 mètres du ponton, Bastian fit signe au gamin de sauter par dessus bord, ce qu’il fit sans rechigner, trop heureux de s’en tirer sans une égratignure.
C’est à bord de cette embarcation que débuta pour Bastian le grand voyage, celui qui le mènerait vers Trépont, vers une nouvelle vie.
-Coupable !
La sentence que tout le monde attendait venait de tomber. Le Sinan l’accueillit sans broncher, d’un air résigné. Des cris retentissaient dans la salle où tout le monde semblait satisfait de cette décision.
-Bastian Fontana, levez-vous.
Il se redressa lentement, la gorge sèche, et toisa le Juge face à lui.
-Pour les meurtres de monsieur Kel’ Denem Sadil, de sa femme et de leurs quatre enfants, vous êtes déclaré coupable et êtes condamné à la peine de mort par pendaison.
Ces mots résonnaient encore dans la tête de Bastian quand les gardes le raccompagnaient à sa cellule, dans le sous-sol du petit fort situé à l’entrée du village Kultar.
Faire le vide, réfléchir, vite. Se remémorer l’enseignement de la Guilde.
S’échapper par la force ? Impossible, malgré leur petite taille, les 4 gardes armés de lances l’encadraient de trop près, sans compter la foule hostile tout autour, prête à le lyncher sur le champ si l’occasion pouvait se présenter. De plus, il avait les mains liées par une épaisse corde de chanvre.
Soudoyer les gardiens ? Avec quoi ? Bastian n’avait rien à proposer qui ait une quelconque valeur.
Ils étaient déjà en vue du fort. Il restait deux grandes huttes au toit de chaume à passer, et ce qui ressemblait vaguement à une auberge, avec quelques tables disposées sur une petite terrasse.
Le village était situé au beau milieu des marais, en plein territoire Kultar. La région Sinane la plus proche était à plusieurs jours de marche, au Nord-Ouest. En cette saison, les canaux étaient inondés et il estima qu’il lui serait impossible de s’enfuir à pied. Il lui faudrait donc emprunter une des petites barques à fond plat aperçues quelques jours auparavant, quand il était arrivé sur les lieux.
Quelques mouettes planant dans le ciel d’un bleu profond indiquaient que l’océan n’était pas très loin, quelque part vers l’Est. S’il parvenait à l’atteindre, il aurait de grandes chances de s’en sortir. Pendant deux années, il avait été mousse à bord d’un grand navire de la flotte appartenant à sa ville natale, avant d’être enrôlé dans la Guilde. La navigation ne lui faisait pas peur et voler un petit voilier ne devrait pas être trop compliqué.
En arrivant au niveau de la petite terrasse, il déséquilibra le garde situé à sa droite et d’un bond sauta par dessus la table la plus proche qu’il renversa et s’engouffra dans l’auberge, suivi de près par les trois autres soldats. L’un d’eux lui décocha un coup violent au niveau de la cuisse avec le manche de sa lance. Bastian s’affala de tout son long, tenta de se relever et en reçu un autre au niveau de la tempe qui lui fit perdre connaissance. Il ne sentit même pas la pluie de coups de pieds dans son dos et sur son visage.
Quand il retrouva ses esprits, il était allongé par terre dans sa cellule, les mains toujours entravées. Le sang obscurcissait sa vue et lui laissait un goût âpre dans la bouche. Malgré tout, on pouvait deviner qu’un léger sourire se dessinait sur ses lèvres tuméfiées. Sous ses vêtements il sentait le manche en os d’un couteau subtilisé sur la table qu’il avait renversé. Personne ne l’avait vu faire.
Bastian attendit la nuit que le village s’endorme avant d’agir.
Trancher les liens qui l’entravaient avec le couteau lui prit quelques minutes. Il massa un instant ses poignets douloureux avant de découdre la doublure de son pantalon. Les gardes n’avaient pas détecté la présence de ses crochets à l’intérieur. Ouvrir la serrure de sa geôle fut un jeu d’enfant.
A la respiration lente et régulière de l’unique gardien, le Sinan savait qu’il dormait profondément et s’approcha de lui sans un bruit pour lui dérober son trousseau de clés. C’est quand il fut à quelques centimètres du Kultar qu’il reconnu les traits de l’un de ses bourreaux qui l’avaient torturé pendant plusieurs jours avant que le Jugement ne soit donné. Il lui mit une main sur la bouche pour étouffer ses cris et lui planta le couteau en plein cœur en faisant pivoter la lame pour provoquer une hémorragie massive qui lui assurerait une mort quasi instantanée.
Le fugitif prit le temps de faire les poches du cadavre, de récupérer sa bourse bien garnie ainsi que sa dague et quelques victuailles posées sur la petite table ronde à ses côtés, puis il sortit de la prison sans rencontrer personne.
A l’exception de deux torches qui brûlaient au niveau de l’entrée du fort, l’obscurité était totale. Bastian choisit le coin le plus sombre pour se laisser glisser le long des remparts formés de longs rondins de bois.
Il se dirigea sans encombre jusqu’aux embarcations repérées quelques jours avant son arrestation et prit soin de sélectionner celle qui lui semblait être en meilleur état. Avec la dague du garde, il sabota le fond de toutes les autres qui ne tardèrent pas à s’enfoncer dans l’eau noire du marais.
Il lui fallut le reste de la nuit pour atteindre l’océan, couler la barque et trouver une cachette sûre.
La veille du grand voyage…
Une plage de sable fin serpentait vers le Nord à perte de vue tandis qu’au Sud elle s’arrêtait brusquement, bloquée par de gros rochers de calcaire qui formaient au loin une haute falaise au pied de laquelle on apercevait quelques petites cabanes, probablement un village de pêcheurs.
Ce n’est qu’aux aurores que l’on sonna l’alerte dans le village Kultar, quand le corps du gardien fût découvert par celui qui devait le relever. Rapidement la traque du fugitif s’organisa et l’on commença par fouiller le fort, puis chaque logement du village. Les barques furent sorties de l’eau et quelques villageois s’employèrent à les réparer, ce qui retarda l’étendue des recherches de plusieurs heures.
Le soleil commençait à décliner quand un des petits groupes de recherche arriva sur la côte, occupé à trouver le moindre indice du passage du Sinan. Ils passèrent à proximité de sa cache à deux reprises avant de rebrousser chemin, aucune trace n’ayant été repérée.
Bastian passa la journée à se reposer, confortablement installé dans sa cachette. Il se nourrit des aliments récupérés dans la prison, deux poissons séchés, une pomme rouge et un beau morceau de fromage, ce qui lui permit de patienter jusqu’à la nuit tombée. C’est néanmoins la faim au ventre qu’il quitta son abri de fortune pour se diriger vers le village de pêcheurs.
Le hameau était composé d’une demi-douzaine de cabanes en bois sur pilotis. Deux longs pontons rectilignes plongeaient tout droit vers la mer, espacés d’une vingtaine de mètres. Entre les deux étaient amarrés cinq modestes bateaux de pêche, tous construits à l’identique; Des petits voiliers maniables mais pas très rapides, qui pouvaient résister à la colère parfois terrible de l’océan.
Quelqu’un veillait sur le ponton le plus proche. Ceux des marais les avaient certainement avertis de la présence d’un évadé.
Bastian se hissa sur la terrasse de l’une des petites maisons. Une odeur forte de poisson lui fit plisser le nez ; Il y en avait partout, suspendus à des cordes détendues par leur poids, qui séchaient grâce à l’action du soleil et de la brise maritime. Il en préleva quelques uns qu’il fourra dans un sac en toile de jute trouvé accroché à un vieux clou rouillé.
Le sac sur l’épaule gauche, la dague serrée dans la main droite, dissimulée le long de la cuisse, il avança silencieusement droit vers le garde. Quand celui-ci l’aperçut enfin, il était à moins de dix mètres.
Une voix enfantine et mal assurée se fit entendre :
-Qui va là ? Arrêtez-vous !
-C’est moi.
Bastian avait prononcé ces mots calmement et continuait d’avancer lentement vers le jeune garçon, puis il s’arrêta à environ trois mètres. Le petit Kultar était apeuré, hésitait à crier pour alerter le hameau.
Le Sinan ne lui laissa pas le temps de se ressaisir et jeta aux pieds du gamin la bourse dérobée la veille.
-J’achète ton silence et ce bateau là. Tu sais nager ?
Il dévoila sa dague pour lui montrer que ce n’était pas négociable.
Le Kultar, âgé d’une douzaine d’année, hocha la tête, incapable de prononcer quoi que ce soit.
-Grimpe dans le bateau, petit. Tu vas m’aider à partir.
En quelques minutes, ils appareillaient et filaient droit vers le large. A environ 200 mètres du ponton, Bastian fit signe au gamin de sauter par dessus bord, ce qu’il fit sans rechigner, trop heureux de s’en tirer sans une égratignure.
C’est à bord de cette embarcation que débuta pour Bastian le grand voyage, celui qui le mènerait vers Trépont, vers une nouvelle vie.