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Rencontre avec Numa

Publié : 16 juil. 2006, 16:27
par Numa
Le silence et l'obscurité de la nuit ont envahi Bourg Elouin.

En arrivant en vue de l'auberge de Reca, vous apercevez Numa et Ham Men Lol Laa endormis près d'un feu crépitant. Désireux de vous réchauffer, vous vous asseyez à côté d'eux. Des bouteilles vides et des os de lapins jonchent les herbes folles. L'alcool et la viande ont, autant que les flammes, réconforté les campeurs.
Votre arrivée dérange Numa dans son sommeil ; il grommelle et se tourne. Ouvrant un oeil, puis les deux, l'Eldorian ne semble guère surpris de vous voir soudain à ses côtés. Le regard vaporeux et le souffle chargé, Numa esquisse un sourire et vous salue avec bienveillance. Posant sa main sur votre épaule, il vous tend un morceau de pain chargé de viande, puis une bouteille de vin. Les odeurs délicieuses de ces offrandes vous incitent à demeurer un moment avec les deux camarades. Les étoiles brillent dans le ciel dégagé des Landes. Des crapauds coassent joyeusement dans les mares alentour. L'air est doux et léger, comme si les landes accordaient un répit aux vivants. Même les moustiques, d'ordinaire si voraces, se reposent. Pourtant Numa ne semble pas aussi serein que son compagnon assoupi. Après vous être essuyé la bouche d'un revers de manche, vous interrogez l'Eldorian :


"- Quelque chose te tourmente l'ami, dis-moi ?

- Avant ta venue, je songeais à ma famille et à notre domaine, très loin au sud d'ici, sur les côtes d'un verdoyant pays. Nulle créature ne connaît climat plus tempéré et terre plus accueillante que là où je suis né. Un large fleuve parcoure mon pays, l'abreuve et le nourrit avec ses eaux poissonneuses et son limon fertile. Les forêts sont profondes et fournissent à profusion le bois de construction comme de chauffage. Les champs et les vergers sont généreux au-delà de nos besoins, nous donnant de quoi commercer avec nos voisins. Cette contrée incarnait le paradis de notre famille et de nos amis.

- Et tu possèdes un domaine dans cet eden? Des terres et des bêtes qui savent occuper à plein temps son homme ? Pourquoi es-tu si loin de chez toi ?"

Numa soupire profondément puis avale quelques gorgées de vin. Ses yeux brusquement fixent les flammes et se figent. Le feu chante et danse comme un diable sorti de sa boite, mais le nostalgique Eldorian est indifférent au chatoyant spectacle qui se joue sur les bûches. Intrigué, vous le secouez quelque peu, et voila qu'il sort de sa torpeur :

"- Ho... c'est encore toi ! Veux-tu un autre morceau de viande ou un peu de vin ?

- Parle-moi plutôt de ce domaine que tu as quitté. Toi qui possèdes un patrimoine à gérer, que fais-tu parmi ces aventuriers, ces déracinés sans foyer ni patrie ?

- C'est une pénible histoire... oui, bien pénible. J'étais un jeune homme insouciant, ignorant le tumulte du monde et les querelles des hommes. Jusqu'à ce jour maudit où un cruel voisin, avide et brutal, jeta son dévolu sur notre ferme. Je dois te dire que l'emplacement de notre propriété était idéal, les hommes y récoltant les fruits et les légumes en abondance, les bêtes y paissant paisiblement l'herbe grasse et tendre près de la fraîche rivière. Nous étions, j'en suis persuadé, la famille la plus favorisée de cette région. Mais nous avons certainement déplu à une divinité vengeresse en négligeant son culte et ses sacrifices, ou en prononçant une parole malheureuse à son encontre. Car la colère du ciel s'abattit brutalement sur nos têtes."

Numa s'interrompt pour étendre ses jambes et prendre encore une rasade du vin liquoreux. Il gratte sa barbe laineuse et renifle bruyamment. Un long silence se fait alors, pendant lequel le noir gaillard semble discrètement se rendormir. A nouveau, vous le bousculez, sans précaution :

"- Et la suite, raconte-moi la suite !

- Tu ne dors donc jamais, par l'Achéron ? Mmmh... je suis las..."

Numa s'allonge et s'endort ; vous n'obtiendrez plus aucune parole de lui. Sortant une épaisse couverture de votre grand sac, vous vous couchez près des deux camarades et vous fermez les paupières. La journée a été harassante et vous êtes finalement épuisé.

La nuit est paisible, mais les rêves de Numa sont parcourus de mille terreurs : sa famille hurle et s'enfuit, le bétail se disperse en tout sens, des inconnus en armes sèment la confusion et la désolation !

Et vous dormez bien.

Demain est un autre jour.

Publié : 21 juil. 2006, 23:04
par Numa
Le jour se lève sur Bourg Elouin.

En vous réveillant, vous entendez le chant mélodieux des oiseaux qui vous souhaitent une agréable journée. Vous vous étirez et apercevez au nord, sur la côte, Ham Men Lol Laa, pareil au phare de l'ile, massif et immobile, qui scrute l'horizon. Que surveille-t-il ? Qui attend-t-il ? Voila un mystère trop matinal pour votre esprit encore embrumé. L'air est pur et l'horizon dégagé. Vous tentez de vous mettre sur vos deux pieds et manquez de perdre l'équilibre en prenant votre sac. Votre gorge est sèche et votre estomac si vide qu'il en gronde de dépit. Par bonheur, la taverne du Nain Joyeux est proche et vous invite à entrer vous restaurer. Arrivé rapidement devant l'établissement, vous en poussez la porte fraîchement revernie. Une voix douce et chaleureuse vous accueille comme si vous étiez un ami revenu d'un trop long voyage. C'est Reca, Elfe lumineuse, qui vous hèle :


"- Mon salut ! Installe-toi donc à cette table, tu y seras à ton aise. Que puis-je te servir qui t'aidera à bien commencer cette matinée ?

- Des oeufs cuit au beurre, avec du jambon, du pain frais et une cruche de vin rosé me feraient bien plaisir, oui ! Et si tu as quelques fruits mûrs et sucrés à me proposer, mon plaisir sera complet."

Pendant que la tenancière part préparer votre menu, vous sortez discrètement votre bourse et en comptez les dernières piècettes d'argent. Vous comprenez qu'une fois le repas payé, il vous faudra d'urgence obtenir du travail afin de subvenir à vos besoins. Alors que vous songez aux divers talents qui vous permettraient éventuellement de gagner votre obole quotidienne, vous devinez soudain la présence jusque là invisible d'un elfe plongé dans un épais livre ; la reliure patinée et le titre incompréhensible vous interpellent. Voila un ouvrage fort étrange... tenu par une créature qui ne l'est pas moins. Avez-vous pensé trop fort ? L'elfe lève sa noble tête et vous sourit, ou peut-être pas, puis rapidement retourne à sa passionnante étude.
Reca revient vers vous, les bras portant les victuailles promises
.

"- Merci charmante hôtesse, je suis certain de me régaler avec ce que tu m'apportes... mmmh... oui, c'est fameux !

- A la bonne heure ! On reconnaît la valeur de son invité à sa façon d'honorer la table qui le reçoit. Ton appétit me flatte !

- J'en suis heureux ! Mais... qui est cette créature là-bas que la lecture absorbe tant?

- Oh, Ythelien ? Un érudit qui s'entretient de la marche du monde et des affaires du ciel, hahaha ! avec les aventuriers de passage. En ce moment d'ailleurs, je le vois souvent accompagné d'un Eldorian au teint sombre et aux vêtements de cuir, un étranger qui a fuit son domaine et sa contrée...

- Tu connais Numa ? Je l'ai rencontré cette nuit en cherchant un gîte.

- J'ignore son nom, mais si nous évoquons le même homme, alors en effet il fréquente à l'occasion ma taverne. Il s'y amuse bruyamment en compagnie de nains aussi assoiffés que le désert de Tahraji. Je me souviens d'une fois où, alors que le Nain Karizar ronflait sous la table, ce Numa se disputait avec un autre Nain dénommé Dwaom au sujet d'une paire de gants en cuir offerte à une Elfe noire. Et de cet autre moment, pendant que tous célébraient l'anniversaire du Sinan Ypsen, où un messager alerta l'assemblée qu'une invasion se déroulait dans les Landes ; tous se levèrent pour parer au danger, sauf notre Numa qui, trop imbibé d'outranque, se cogna contre un tabouret et s'affala pour la nuit sur mon parquet. Mais vois donc avec Ythelien, je suis certaine qu'il t'en apprendra davantage au sujet de ton camarade."

De nouveaux clients, trois Galdurs à la démarche affirmée et au regard mauvais, entrent et s'installent sans un mot. Déjà la tenancière accoure avec une bouteille et des godets, et sert aimablement les larrons. Ythelien semble impassible face à l'agitation naissant dans la taverne. Prestement,vous quittez votre chaise et prenez place sur le banc face à l'Elfe silencieux. Vous posez votre coude gauche sur la table puis placez votre menton dans la paume de la main. Votre regard tente en vain de capturer celui de l'insensible lecteur. Vous toussotez discrètement ; vous tapotez des doigts sur la table ; vous soupirez fortement. Rien n'y fait !

Votre patience s'amenuise.

Et l'Elfe a la vie devant lui
.

Publié : 11 août 2006, 23:42
par Numa
La taverne de Reca baigne dans la lumière du matin.

Face à vous, Ythelien demeure impassible telle la gargouille sous le soleil. Il se joue de votre humeur, teste votre patience et surtout votre orgueil. Vous posez alors vos mains sur la table, en joignez les doigts et fermez vos yeux. Vous respirez avec calme et abandonnez toute mauvaise pensée. Votre coeur est apaisé, votre esprit se concentre, vos idées deviennent claires et légères comme les chants des hommes bleus. Les Galdurs trinquent bruyamment, mais ils ne vous dérangent pas ; la chaleur du matin se fait pesante, mais vous ne transpirez pas. L'éternité du verbe illumine cet instant précieux. Vous approchez le vide parfait...

Et l'Elfe interrompt votre vagabondage céleste d'un vibrant salut :


"- Comment vas-tu, cher ami ? Tu parais si loin de cette pesante matérialité !

- oh !... oui, je croyais ne jamais entendre le son de ta voix, haha ! je suis si surpris.

- La patience est une clé qui ouvre bien des portes. J'ai remarqué l'insistance avec laquelle tu me dévisageais tout à l'heure. Grands dieux, quelle impolitesse ! Mais je te pardonne bien volontiers car cette curiosité est réciproque. Tu me sembles étranger, venir d'une contrée située à grande distance d'ici, comme ce Numa à propos duquel tu questionnais Reca. Mais la tenancière s'occupe des clients, pas des aventuriers en quête de gloire et de fortune, ou d'oubli. Quelle histoire vais-je entendre aujourd'hui ? Qu'as-tu à me raconter ?

- En fait, je comptais sur toi pour m'éclairer à propos des Landes. Comme je viens d'arriver, je pensais que Numa pourrait me guider à travers ces terres inhospitalières. Sais-tu où il se cache en ce moment ?

-Lui et moi avons longuement discuté ces jours derniers à propos des Landes, de ses profonds mystères et de sa terrible cruauté. A dire vrai, le gaillard ne semblait guère surpris par la rudesse du pays, comme si de vilaines épreuves l'avaient auparavant préparé à survivre même ici. J'ai senti combien sa famille et sa terre lui manquaient, à quel point le mal du pays étreignait son coeur. J'ai pourtant perçu comme une profonde et inébranlable détermination en lui, accompagnée d'une colère froide, réfléchie, inquiétante comme la lame sortie de son fourreau et s'élevant au-dessus du dos nu de l'innocent qui vous croit son frère. Un drame affreux se noue, dont Numa est, je ne sais encore, l'ordonnateur ou la victime ; le poisson ne voit rien de son bassin vaseux. Si tu tiens à lui tenir compagnie, cherche ton Eldorian à Tarsengaard, dans le palais du divin Fingel.

- Que fait-il là bas ?

- Rends-toi sur place et vois par toi même, l'ami. Bon vent, et garde toi des écueils !"

Ythélien baisse les yeux et reprend sa lecture à l'endroit précis où il avait décidé de l'interrompre. Vous n'insistez pas et préférez vous lever. L'Elfe a malicieusement semé tant de questions qui maintenant germent dans votre esprit que vous regrettez presque d'avoir rencontré Numa hier dans la nuit. Vous retournez à votre table que Reca débarrasse pour y déposer le prix du repas et reprendre votre lourd bagage. L'accueillante hôtesse vous sourit et termine sa tâche en vous invitant à revenir bientôt.

Alors que vous récupérez votre sac, prenez congé et arrivez à la porte, l'un des Galdurs subitement se dresse devant vous et bloque l'accès à la sortie. Une de ses mains agrippe votre gilet tandis que l'autre se plaque contre votre machoire inférieure et lève fermement votre tête jusqu'à ce que vos regards se rejoignent. L'immense créature alors esquisse un horrible sourire et dévoile ses crocs acérés. Elle grogne et vous renifle en bavant sur votre col. C'est l'instant choisi par son affreux jumeau demeuré assis avec son comparse pour vous délivrer un inquiétant message :


"- Toi m'écouter ?

- Mmmh, mmmh !

- Toi donner un message de nous à Numa : nous l'attendre à Nord-Thyl pour la prochaine lune, près du temple de la Terre. Lui apporter son argent, et nous donner nos infrom..., inrfom..., yark ! et nous dire quoi savoir à lui. Toi compris ? Oui ? Maintenant toi chercher Numa et lui dire ça !"

Le bavard énergumène ayant expédié son ordre, le gorille vous relâche sans ménagement et se rassied, attrapant au passage un godet de vin tendu par le troisième et le plus impénétrable des Galdurs, un fascinant personnage au visage expressif et serré à la fois, qui vous adresse un regard lourd de menaces. L'affaire est grave et vous incite à une parfaite circonspection.

Vous ouvrez la porte ; vous ne vous sentez plus du tout seul.

Les Galdurs veillent sur vous
.