On l'appelait la Pie

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
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Molly
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Inscription : 23 août 2018, 14:20

On l'appelait la Pie

Message par Molly »

Accoudée au bastingage du bateau, Molly déplie le journal retrouvé abandonné sur le pont.
Sur celui-ci, un dessin grossier de son visage orne la première page. D’un air dubitatif, elle le dévisage. Le nez est beaucoup trop rond. Et ses yeux tristes ne sont pas du tout éloignés.
Le titre quant à lui est aussi mauvais qu’il se veut racoleur : La Pie sort du Nid.

Ils étaient devenus beaucoup trop nombreux, trop présents. Ça devait arriver. Son identité a été vendue.
Elle jette le torchon à la mer et laisse la brise chasser la larme indésirable.
Sa bande lui manque déjà.

Le vague à l’âme, elle caresse un de ses nombreux tatouages : trois plumes en éventail remontant de son plexus.
Ils se débrouilleront sans elle, elle leur fait confiance.

Ces enfants, rejetés d’un côté, jamais acceptés de l’autre, ne seront plus jamais seuls. Enfin, ça, c’est pour ceux qu’ils retrouvent.

Ils n’ont rien fait pour cacher le départ de Molly. Une mission suffisamment bâclée pour que ce ne soit pas trop visible.
Il faut que ça se sache. Il faut qu’ils la sachent loin. Et les oublient…
Elle leur fait confiance.
La Corneille est assez malin pour que tout se passe comme prévu. Et s’il faut en arriver là, le Corbeau assez implacable pour s’en assurer.
Tout ça, c’était une idée de la Corneille. Ça a toujours été lui.

Déjà petits, la première fois que leurs regards se sont croisés.
Ces yeux d’enfants farouches et méfiants, ces yeux pleins de haine ravalée, ces yeux qui se sont reconnus.
Elle venait de se battre, une fois de plus, seule contre tous. Il s’était rapproché et lui avait tendu un morceau de tissu à la propreté douteuse, sans un mot.
Pendant plusieurs jours ils se sont jaugés ainsi. La Corneille parlait peu. Ils se sont doucement apprivoisés et il lui appris d’autres voies que celle des poings.

Quelques années plus tard ils rencontrèrent le Corbeau. Sa cruauté était fascinante.
Il ne se battait pas, il cherchait à annihiler.
Il était des leurs, c’était incontestable.

Ces enfants maudits, indésirables. Le mal ne venait pas de leur sang mais du mépris à leur égard.
A cette époque leur désir de revanche était le plus fort, leur amitié la seule chose de valeur. Ce fut une époque emplie de joie. Et de cruauté.

Un jour ils décidèrent d’aller voir.
Pendant longtemps ils n’y trouvèrent que quelques petits os polis par le temps. La nuit ils s’y rejoignaient et discutaient des actions qu’ils pourraient mener dans la journée. Au petit matin ils rentraient bredouilles.
Et enfin, une nuit, un cri.
Dans cette région encore plane et venteuse ce ne fut pas difficile de la retrouver. Le Moineau, ce petit tas de chair rose et fragile, donna naissance à ce qu’on appelle aujourd’hui le Nid.
Ce jour-là, leur désir de revanche devint détermination. La férocité, leur levier.

Quand elle y repense, elle est fière de ce qu’ils ont accompli.

Le capitaine, un de ces nombreux laissés pour compte par tous ces bien nés, est un homme de confiance. Elle sait arriver à bon port.
Le Nid, perçu cruel, est pourtant aimant pour ceux qu’il couve. Ils le savent.
Les petites gens, les indésirables, les reclus, la piétaille, le bas peuple…
Leurs alliés.
Dernière modification par Crowley le 31 mars 2019, 18:02, modifié 1 fois.
Raison : comptabilisé en notoriété

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