Ce qu'il advint d'Yrpis lorsqu'il retrouva Salphimène

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Iourak
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Ce qu'il advint d'Yrpis lorsqu'il retrouva Salphimène

Message par Iourak »

Salphimène avait deux soeurs. La première, on l'avait mariée de force à un architecte naval de second ordre et de fin de carrière. La seconde, on l'avait soldée contre son gré à un chasse-marée gros, grand, gras et bourgeois. Ce furent deux mariages heureux. Elles eurent chacune cinq enfants et la cadette fit tout pour surpasser son aînée qui attendait son cinquième. Quand l'apothicaire lui annonça que l'enfant naîtrait avec un seul bras, on entendit sa soeur crier "victoire !". Depuis, ces deux-là ne s'insultent plus que par mari interposé.

Passons. Ce sont des personnages secondaires c'est pour ça que je ne leur donne pas de nom. Surtout que je n'ai jamais fait l'effort de le connaître.

Elle était un peu plus gracieuse Salphimène. On faisait monter les enchères. Toute cette famille de regratiers répondait à un besoin impérieux de s'élever au-dessus du niveau de la mer. Le frère visitait les commis, la mère flattait les prévôts et le père invitait les officiers de passage. Ces derniers auraient payé volontiers le prix fort, mais seulement pour passer la nuit. Les parents étaient un peu embarrassés. Cela aurait dévalué la marchandise. Et puis, il faut dire qu'à cette époque Salphimène avait dix ans. On fit donc monter les enchères. Grosse erreur. Ah ces débutants !

Je fais un bond de trois ans dans l'histoire. Le bond est en avant pour ceux qui auraient encore suivi. Je revenais alors dans le port de N., après une longue croisière absolument pas méritée dans les galères du marquis de D. Le marquis de D. avait la très désagréable habitude de lisser sa moustache, qu'il portait épaisse selon les traditions de son pays. C'est tout ce dont je me souviens de lui, aussi qu'il assortissait sa tunique violette d'une ceinture verte. En mer, la ringardise n'a jamais porté malheur. Donc, je fêtais ça autour d'un verre bien mérité chez B., qui était encore propriétaire de la "Taverne des Rois". C'était peu avant que son neveu ne la remplace dans des circonstances absolument étranges et que je ne détaillerai pas ici par respect pour la mémoire des morts. Donc, je fêtais ça et demandais des nouvelles de la petite. A moi aussi, on me l'avait présentée. Elle était devenue la plus belle fille du coin. Surtout, elle avait pris du caractère en grandissant. Et ça, c'était pas prévu.

Elle s'était amourachée d'un jeune con, beau comme un dieu des mers. Pas de situation (gabarier) mais un pécule honorable : deux scutes de trente pieds, dont l'un datait de moins de dix ans. Une aubaine pour certains. Pas pour la famille de Salphimène. Mais comme je l'ai dit, elle était aussi jolie qu'elle avait du caractère. Après bataille sur bataille les parents abdiquèrent. Peut-être verront-ils leurs petits-enfants s'élever ? Pas sûr pour les enfants de la cadette, j'ai appris il y a quelques semaines par un marin rencontré il y a perpèt', qu'ils ont tous mourus dans un incendie. J'ai envie de dire "bien fait" mais revenons à nos moutons.

Le garçon s'appelait Yrpis. Il était fou de la petite Salphimène qui le chartrait volontiers. Pas de fille, pas de sortie avec les copains, au trou mon vieux ! Mais Yrpis allait sur ses dix-sept ans et il commençait à se faire vieux. Il rêvait de mariage. Elle, jalouse, demandait toujours davantage de preuves d'amour et multipliait les conditions. Et je me souviens qu'à cet instant, lorsque l'aubergiste B. me racontait la fin de l'histoire, qu'un homme fit interruption dans la salle. Il cherchait sa poule. Je me souviens très bien. Une poule rousse, avec une crête un peu tordue, et une tâche noire sur les ailes. Il avait l'air fou sans sa poule. J'y ai souvent repensé depuis.

J'en étais où ? Ah ! Oui ! Sauf que c'est Salphimène qui finit par se lasser ! Un soir, un capitaine de navire marchand de passage (ils sont toujours de passage) rend visite à ses parents (eux ne s'en remettent pas). Il avait rencontré la petite quelques années auparavant. Ni une, ni deux, elle disparaît avec lui ! Plus de nouvelles pendant des jours ! Yrpis, fou d'amour et d'incompréhension, quitte le port de N. sur son jeune scute. Il refusait d'y croire ! Elle avait été enlevée !

Mais le capitaine n'avait pas le doux tempérament d'Yrpis. Et encore moins sa patience. B. avance qu'il était alcoolique. Cette version est intéressante pour la suite de l'histoire. Toujours est-il qu'un soir, ne pouvant plus de croiser le fer avec cette caractérielle jeune fille (castratrice selon l'avis de certains), le capitaine, ivre pour deux, la jette à la mer. Bon débarras !

Non seulement le capitaine était alcoolique et violent, mais son bateau était aussi plus rapide. Il était écrit que Yrpis ne devait jamais le rattraper. Or, quelques jours plus tard, les yeux dans le vague, il vit le courant ramener la belle dans ses filets. Et que fit Yrpis, alors ? A vous de le deviner !
Vieux filou magnifique gredin vétéran invétéré anguille sous roche a échappé au pire et au meilleur a connu la faim le froid a eu de la chance beaucoup en a vu de toutes les couleurs et par mauvais temps aussi mari sans façon père jamais assez fabulateur ? peut-être......

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