Azhar, Kultar

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
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Azhar
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Azhar, Kultar

Message par Azhar »

Je suis né un jour de grande chaleur au cœur d'un vaste marais, il y a de cela vingt-sept hivers. Je me souviens de ce premier village d'accueil : petit, et nettement plus de femmes que d'hommes. Je vécus les huit premières années de ma vie parmi elles. Elles étaient maîtresses de la magie et vénéraient avec ardeur notre Alta Mundi. Cette Alta, je la respectais sans l'avoir jamais vue. Une question d'éducation je suppose...

Mon prénom, Azhar, est un défi lancé par ma mère aux puissances de ce monde, et notamment les autres Dieux dont je n’avais jamais entendu parler à l’époque. Déplacer le h d’un tel mot, mot en contradiction avec le destin, fut mal perçu par certains Kultars de la communauté. Si je devais sortir du rail, je ne pourrais jamais rejoindre un nouveau cycle de réincarnation. Les premières années, on me laissa tranquille avec ce sujet, me chérissant. Au huitième Fingelien, ma propre famille m’ignora et décida de ne plus s’occuper de moi. Plus rien ne me retenait. Pas même un ami.

Ce nom n’est pas l’unique raison de ma fuite vers un autre village. Mon potentiel magique n’avait rien à voir non plus vu que je n’étais pas encore apte à pratiquer cette discipline qui demandait rigueur et patience. La patience, je l’avais – peut-être trop. Je ne comptais pas les fois où, debout sur un plancher fragile et instable, je regardais l’immensité de notre marais, les quelques toits de villages à l’horizon et surtout le soleil couchant. Je n’aimais pas l’aube, mais je ne pouvais résister à l’envie de voir cette étoile disparaître, et avec elle ses rayons porteurs de vie. La chaleur décroissait alors, petit à petit. Souvenirs, souvenirs... Le manque de rigueur est ce qu’on me reprochait le plus : je quittais bien trop facilement mon travail, simplement pour voir le soleil. Obéissant, je le reprenais cependant bien vite...

Ma fuite... Imaginez un soir sans repas et un coucher de soleil triste, même pour moi. Je regrettais sa chaleur. L’attitude de ma mère m’irritait. Depuis le début, elle manigançait tout pour se débarrasser de l’homme que j’étais, homme apparemment sans magie ou bien peu, trop peu pour la suprématie des femmes. Je comprenais à peine le faible nombre d’hommes dans ce village. Je sautai hors des chemins suspendus au-dessus de la vase. Une flaque d’eau boueuse m’accueillit. Les derniers rayons du soleil éclairaient encore les reliefs de bosses et d’herbes du marais. Je commençai à marcher vers le village le plus proche, visible à l’horizon. Personne ne faisait attention à moi, personne ne me suivit, personne ne me vit partir. J’étais seul, livré à moi-même. J’avais huit Fingelien. J'esperais atteindre le village à l'aube.
~ Les affaires naines sont comme leur barbe : pleine de noeuds. ~

Azhar, Kultar et membre de la Confrérie d'Illumen

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Azhar
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Je marchais longtemps, longtemps dans les ténèbres. Je n’avais guère une bonne vue, mais j’entendais parfaitement les clapotis de l’eau, les cris plaintifs des petits animaux et, parfois, le silence. Cependant, ce n’était qu’un semblant de silence : ma marche difficile n’était pas discrète, loin s’en faut. Je pataugeais, et chaque pas me semblait plus difficile. J’avais perdu la direction du village. Je ne savais pas où j’étais. J’avais froid et faim. La fatigue, toujours...

Soudain, un bruit anormal, différent de tous les autres. Je m’immobilisai. Silence. Un vrai silence. Je tentai de percer le voile sombre qui recouvrait toute chose, en vain. Je remarquai simplement une luciole, non loin de moi. C’était tout à fait inhabituel. Dans mon village, on m’avait raconté certaines habitudes – méprisées – du clan des oubliés. Par exemple, les Kultars de ce clan fabriquaient des luminaires en enfermant quelques lucioles dans des bocaux en verre. L’histoire ne disait pas si cette technique était efficace ou appréciée...

Sifflement dans l’air. Un trait s’est planté dans mon dos, me projetant en avant sous le coup de la douleur. Mes jambes ne me répondaient plus. Je m’effondrai. Je tendis désespérément un bras hors de l’eau et agrippai une touffe d’herbes. Si ma tête disparaissait dans l’eau vaseuse, j’étais un Kultar mort. Il fallait tenir et me hisser sur la butte de terre la plus proche, mais la douleur et la fatigue ne me le permettaient pas. Ma main desserra légèrement le végétal lorsqu’une seconde flèche atteignit mon épaule. C’était fini, fichu... Je m’évanouis.

De nouveaux bruits me réveillèrent. J’étais allongé dans une hutte de bois et de chaume. Quelqu’un était assis près de moi. Un Kultar. Je me redressai lentement et le saluai. Il fit de même et me tendit un bol contenant un mélange de viande et de légumes. Le délicieux fumet fit gargouiller mon estomac vide depuis des heures. Après ce bref repas, une troupe de Kultars armés m’interrogèrent sur mon nom, mon âge, mes origines, pourquoi je marchais dans le marais et une foule d’autres choses. Ils n’étaient que peu pédagogues ce qui, bien sûr, ne m’invitait pas à délier d’avantage ma langue.

Je fus accepté parmi eux après de longues discussions. Il était convenu que je resterai jusqu’à mes quinze Fingeliens, ou juste avant d’aborder le seizième. Seize ans d’attente avant d’essayer la magie, chose méprisée dans ce village. Cette communauté pourtant agréable faisait en effet partie du clan des oubliés...
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Azhar
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Je marchais avec entrain sur la petite passerelle de planches reliant mon village d’oubliés à une autre communauté masculine. Plus de sept Fingeliens s’était écoulés depuis la fuite de mon village natal, que je ne regrettais pas. J’avais en effet énormément appris parmi ces Kultars dépourvus de talents magiques : chasse, culture de champignons mais aussi l’écriture et un approfondissement de mes notions de lecture. Peu à peu, j’étais devenu autonome – suffisamment pour voyager seul entres hameaux. Le réseau qui les reliait était très important, bien plus que ce qu’on m’avait rapporté lorsque j’étais très jeune. L’histoire des lucioles fut cependant vérifiée...

J’avais presque seize ans. J’aurais dû partir plus tôt pour avoir le temps de m’intégrer à une famille de mages, mais la compagnie d’oubliés m’était désormais très agréable. Je songeais parfois qu’avoir un potentiel insuffisant n’était pas si mal... Avant de revenir sur cette idée : le peuple Kultar était avant tout un peuple de magie. Ne pas en faire parti... C’était rejoindre le clan des oubliés. La boucle était bouclée. J’avais bien du mal à y tirer clairement mon opinion réelle.

La fin de la première étape de mon voyage était en vue. On m’y accueillit chaleureusement, comme dans tous les autres qui suivirent pendant près d’une semaine. Mais afin de rejoindre le village de mages, je fus obligé de quitter les pontons de bois. La bande marécageuse que je devais à présent traverser était particulièrement traîtresse, pleine de pièges. Le jour de mon anniversaire était maintenant très proche...

Une Kultare me mit en joue deux jours avant mes seize Fingeliens, à quelques mètres seulement de la première hutte. Je déclinai calmement mon identité, mon âge et ma raison d’être venu. A la simple évocation de ces quelques détails, elle poussa un cri bizarre – je suppose qu’elle était effaré – puis me fit voler jusqu’à elle. La boue dégoulina sur sa robe lorsqu’elle me poussa jusqu’à une grande place sur pilotis. Plusieurs hommes et femmes s’approchèrent en me dévisageant. La femme qui m’avait déniché se mit à parler à toute vitesse en faisant de grands gestes avec ses bras. Sa préoccupation était claire : que faire de moi ? Cérémonie ou non ? Ici ou là-bas, dans un autre village ? Une vieille Kultare s’avança. Un silence de respect l’accompagnait. Ce fut elle qui trancha :
- La cérémonie de ses seize Fingeliens sera convenablement fêté ici même, et ce jeune Kultar restera parmi nous jusqu’à cet évènement. Il sera ensuite seule juge de sa destinée, comme nous le dit si bien son nom, n’est-ce pas, fils du hasard ?
Le sang afflua dans la peau de mon visage tandis qu’elle me souriait. Celle qui m’avait trouvé n’avait rien dit à cette vieille, mais pourtant celle-ci semblait me connaître. Je savais pourtant que ces huttes n’était point mon village natal. Je ne comprenais pas. Deux jours avant la cérémonie, c’était bien peu pour saisir cette affaire. Je ne comprenais plus rien...
Je la reconnue avec un temps de retard : une Kultare de mon village, éternellement solitaire, silencieuse... et mature. Un potentiel relativement important. Je me souvenais de son nom : Emen’Tar.
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