L'Attente

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Mica
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Inscription : 14 juil. 2007, 13:23

L'Attente

Message par Mica »

Le feu brasille dans la cheminée, la bière coule à flot, Reca sourit à tous et assise à une table dans un coin discret, mica réfléchit.

Devant elle, sur la table, deux lettres attendent son bon vouloir. L'une d'elle a été visiblement maintes fois lue et relue ; l'autre, toute bordée de noir, est récente. La main de mica la survole un instant, hésitante, l’effleure comme intimidée puis reprend son envol, papillon hésitant au vent changeant.

Reca apparait tout soudain et pose sur la table une assiette copieusement garnie, exhalant un fumet divin et une chope de bière dorée.

mica sursaute, effrayée et étouffe un petit cri derrière sa main.

Reca rit et dit :

"Calme-toi mica ce n'est que moi. Qu'est-ce donc qui te rend si nerveuse ?"

mica détourne son visage du regard inquisiteur de Reca. Elle baisse les yeux et voit l'assiette. Machinalement elle la repousse le plus loin possible d'elle et répond d'une voix morne :

"Reca je n'ai pas commandé de repas... tu te trompes sans doute de table. Je suis désolée..."

Reca secoue la tête, consternée :

"Ce n'est pas une erreur mica. Cette assiette est bien pour toi, de ma part et de celle de Rol. Si tu continues à ne pas manger, que va-t-il rester de toi à son retour ? "

Au mot Rol, le visage de mica s'illumine. Puis soudain elle se souvient, et ses yeux s'emplissent de larmes. Elle tend la main vers la lettre usée et la serre sur son coeur.

Reca s'assied à côté de mica et passe son bras sur ses épaules gentiment. Et c’est avec inquiétude qu’elle nota comme mica s’était amaigrie et comme ses joues autrefois joliment rondes s’était creusées.

"Petite mica, il va revenir, ton nain. Tu peux me croire, je t'assure, depuis le temps que je connais Rol."

Reca remarque alors l'autre lettre et demande :

"N'est-ce pas une autre lettre de Rol ? Tu vois qu'il ne t'oublies pas."

mica est à deux doigts de pleurer. Elle se tasse sur elle-même et secoue la tête négativement et balbutie :

« pas Rol. Sinan. »

Reca est interloquée. Elle répète :

« Sinan ? que veux-tu dire ? »

mica esquisse un instant un geste comme pour partir, puis elle se ravise. A quoi sert de fuir ? Ce problème serait tout de même toujours là. A quoi aurait servi les douces leçons de courage que lui a enseigné Rol ? mica prend une grande inspiration et explique :

« C’est une lettre de Messire Grenouille. Le Sinan. Il … c’est …mica est très embarrassée soudaine et dit très vite : poème. Pour moi. Il… *mica rougit violemment. Je ne sais pas quoi faire.

Reca part d’un grand éclat de rire joyeux.

« Ha ha ce Grenouille toujours aussi charmeur ! Moi j’ai une bonne idée de ce que tu pourrais faire de cette lettre ». Reca désigne alors du doigt l’âtre rougeoyant de la cheminée « au feu voilà tout ce que cela mérite ! »

mica reste immobile et muette, ses grands yeux pleins d’angoisse.

« Ne me dis pas que tu as pitié de lui ! » s’esclame Reca, indignée. « C’est le pire piège dans lequel tu pourrais tomber ! »

Mica secoue violemment la tête : « non du tout. Pas du tout. Ce serait le déshonorer que d’éprouver de la pitié pour lui. Il ne m’a rien fait de mal, Reca. Et il ne m’en fera pas. ».

mica tend la main et prend la lettre de Rol qu’elle range dans son corsage, contre son cœur. Reca pousse alors un petit cri de surprise

« Oh mica ta main ! Elle est toute abîmée ! Et l’autre aussi ! Mais enfin mica ! ! » Reca s’empare vivement des mains de mica et les examinent.

mica pose des yeux indifférents sur ses mains : rouges, enflées, couvertes d’ampoules, de petites plaies, les ongles abimés…

« Ce n’est rien Reca. Je n’ai pas mal. »

Un sourire angélique transfigure un instant le visage triste de mica :

« Je ramasse juste un peu de coton pour faire du fil. Rol sera si heureux en rentrant. Les forgerons ont toujours besoin de fil ».

Reca secoue la tête, consternée.

« Attends moi ici je vais te chercher un baume elfique, souverain contre ce genre de maux…

mica fait une petite moue au mot elfique mais ne dit mot alors que Reca s’éloigne vers le comptoir. Elle reporte son attention vers la lettre posée sur la table. Elle la regarde un instant, ses grands yeux d’or embrumés de pensées informulées.

Puis d’un geste lent, Mica sort de son sac son livre de compte et y place la lettre. Elle le re-range avec soin, ajuste son sac sur son dos, puis se lève.

Son regard parcourt rapidement la salle : elle avise non loin un jeune galdur, qui regarde tristement sa chope de bière vide. Elle lui fait un signe et lui désigne l’assiette devant elle sur la table : le galdur ouvre de grands yeux, surpris puis lance un large sourire en comprenant qu’on lui offre un bon repas gratuit.

Il se leva précipitamment et s’empara avec joie de l’assiette que lui tendait mica avec un sourire gentil. Ravi il s’empressa de manger, de peur que cette manne providentielle ne s’envole.

Un instant, mica regarda le jeune galdur dévorer avec un si bel enthousiasme : puis elle posa sur la table quelques pièces d’or et s’éclipsa sans bruit.

Quand Reca revint, le pot de baume à la main, elle ne trouva qu’une chaise vide et au sol, éclatante de blancheur, une plumeuse fleur de coton, sans doute tombée du sac de mica.

Pensive Reca la ramassa et la considéra un instant, lumineuse et si légère dans le creux de sa main : puis elle se dirigea vers l’âtre et y jeta la fleur ; la flamme l'enveloppa de sa chevelure rouge et ce fut comme si elle n’avait jamais été.

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