L'éclatement des religions

L'Histoire, avec un grand H, celle façonnée par Fingel et après le Cataclysme celle écrite par les premiers colons.
Coursier
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Inscription : 03 janv. 2008, 11:08

L'éclatement des religions

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« Peuples des Landes, écoutez-moi

Vous êtes tous unis à présent

Mais n'avez pas la même foi

Alors que tout n'est pas différent



J'ai moi-même ma propre croyance

D'un seul et unique dieu

Qui représente tous ceux

Auxquels vous croyez sans différence



La Prompte et Forte Poigne

Voilà son nom, et je témoigne

Que toutes vos religions

En ce nom, trouvent leur union



Certains la nomment « Grande Alta Mundi »

Et d'autres l'appellent « Ull'tuvar »

Ou bien « Hamal l'érudit »

Et du Panthéon, elle est l'avatar



On peut y voir Chain

Aussi bien qu'un démon

Le créateur grâce aux chansons

Ou un grand félin



Voyez donc, tous ici présents

Qu'ici personne ne ment

Vous avez tous la même perception

Et plus forte est votre union !



Tous dans la foule étaient un peu sceptiques, mais se rendirent compte que Fingel avait raison. Parmi tous ces gens, il se trouvait un Eldorian qui était venu avec son très jeune fils. Il lui dit du ton de l'homme qui veut transmettre son savoir : « Tu vois, Tallikion, il faut toujours écouter ce grand homme, c'est grâce à lui que nous sommes en paix. »



Fingel créa un clergé, composé de plusieurs races, chargé de faire la transition entre les anciennes religions et cette nouvelle. Peu à peu, les anciennes disparurent et laissèrent place à l'adoration de la Prompte et Forte Poigne. Il y eut ainsi une nouvelle religion, car certains adeptes ne croyaient plus à leur ancienne religion, mais uniquement à la nouvelle, négligeant toutes les vieilles traditions. Certains membres souhaitaient même une disparition pure et simple des anciennes croyances, forçant tout le monde à ne croire qu'au dieu unique.



Le clergé avait retrouvé sa puissance et avait de nombreux adeptes, parmi lesquels se trouvait Tallikion.



Cependant, de nombreux peuples n'étaient pas prêts à tout abandonner, c'était le cas en particulier des Hommes Bleus, qui étaient restés fidèles à leur dieu. Je ne vais pas vous raconter ici le massacre de ce peuple, d'autres écrits le relatent déjà, et vous connaissez certainement ce passage sombre de notre Histoire. Ce fut l'événement qui marqua la fin de l'Alliance. La fibre raciste de chacun se réveilla, et la guerre fut déclarée.



Cette guerre, comme vous le savez certainement, fut un affrontement entre peuples, mais ce qui est moins connu, c'est qu'il y avait également une division entre les adorateurs de l'ancienne et de la nouvelle religion. Quelles que furent les raisons, Fingel perdit et, avant de se planter sa dague dans le ventre, chanta un hymne désormais connu de tous. En voulant unir les peuples, il leur avait fourni un élément de division.



Ainsi commença l'ère de chaos, que nous connaissons encore aujourd'hui. Tous les êtres des Landes ouïrent le chant de Fingel, et chacun pleura. Les Landes se mirent en colère, et le soleil s'assombrit en une fraction de seconde. Tous furent secoués par la terre qui tremblait, modifiant la géographie des Landes à chaque secousse. Les nuages noirs se multipliaient dans le ciel des Landes, déclenchant de violents orages. Nombreux périrent foudroyés, ou noyés par l'eau qui s'engouffrait dans chaque brèche créée par un séisme. Le cataclysme dura trois jours, trois jours d'horreur, trois jours pendant lesquels chacun croyait vivre la fin du monde. Il ne restait que quelques survivants, quand le ciel commença à s'éclaircir. Tallikion était l'un d'entre eux, et nombre de ses fidèles étaient toujours là. Chacun observa le soleil apparaître, aveuglé par cette lueur d'espoir. Ils pensaient assister à la naissance d'une nouvelle ère. Comme si c'était ainsi que le monde avait été créé. Mais ils déchantèrent bien vite.



Un ultime tremblement de terre eut lieu. L'apothéose de cette sorte d'apocalypse. La terre s'ouvrait devant Tallikion, qui courut à toute vitesse, voyant au loin de l'eau entrant dans la faille et éclaboussant chaque paroi, chaque plante restante, chaque être. Il parvint à atteindre les ruines du grand temple de Luminea, dédié au Plus Haut.



Le temple n'était plus qu'un souvenir. Il ne restait plus que la grande croix qui pointait vers le ciel, vers l'espoir de voir les peuples unis. Il s'agenouilla devant elle, en pleurs. La croix se décrocha de son socle, et fit une chute monumentale, avant de s'écraser sur Tallikion.



Le centre des Landes n'était plus que ce que l'on connaît aujourd'hui : une grande mer et des îles. C'était sur l'une d'entre elles qu'agonisait Tallikion. Sur cette île se trouvaient également un millier d'êtres de toutes races, à l'exception des D'jhis qui avaient rejoint leur pays avant la bataille. Parmi les survivants, on trouvait des Elfes, qui avaient échoué ici en bateau, voulant fuir ; des Kultars, qui n'avaient pas encore quitté le centre des Landes malgré l'assassinat de l'Alta Mundi ; des habitants de Luminea, mais surtout des membres du clergé que Fingel avait formés. Il en restait huit : un de chaque race restant sur l'île. Certains appellent ça le hasard, d'autres, le destin... Toujours est-il que la peur était omniprésente et la folie de tous commençait à apparaître. Seuls les huit membres semblaient y voir un peu plus clair. C'est pour cela que tous se tournèrent vers eux.



Les prêtres se réunirent donc au centre des ruines du temple, découvrant le corps de Tallikion, en train de mourir. Le conclave dura des jours et des jours, et il n'y avait aucune ressource sur l'île, c'est pourquoi la famine s'installa. Les peuples décidèrent donc de faire des navires pour pouvoir partir, une fois le conclave terminé.



Finalement, les prêtres annoncèrent aux peuples deux conclusions.

Premièrement, le cataclysme n'était pas la représentation de la seule colère des Landes, mais de la colère de la Prompte et Forte Poigne. Il fallait donc apaiser la colère du Plus Haut, en unissant de nouveau tous les peuples. Deuxièmement, Tallikion, que la foule haïssait et considérait désormais comme la cause de tous ses maux, devait être mis à mort pour apaiser la fureur divine. Seul un prêtre n'approuvait pas ces décisions : l'Eldorian. Cependant, les deux décisions furent adoptées.



C'est ainsi que les prêtres relevèrent Tallikion, qui crachait du sang à chacune de ses paroles, et le jetèrent dans le vide, après qu'il eut prononcé ces dernières paroles : « Soyez maudits prêtres, vous n'êtes pas dignes du Plus Haut ! » Les Eldorians furent tous choqués par cette exécution, qu'ils prirent comme un acte raciste. Ils partirent tous de l'île. Seul restait à présent le prêtre de cette race.



Mais la foule avait faim, et la haine entre les races refit surface. Alors qu'ils pouvaient tous partir, tous restaient pour une seule raison : la foi. Voyant la peur de l'autre revenir en force, les prêtres s'aperçurent qu'ils étaient semblables aux leurs, car eux aussi se rapprochaient de leurs propres races.



Chacun multipliait les discours proclamant que leur peuple était le seul qui devait subsister. C'est dans ces circonstances que le prêtre eldorian demanda à ce que tous l'écoutent. Il fit un discours :



« La Prompte et Forte Poigne est dans chacun de vous. Elle est partout en ce monde, elle est dans le bois, dans l'eau, dans le feu, dans l'air, dans le métal et même dans la terre ! » Mais tous préféraient les vers de Fingel, et il faut dire que ce clerc n'avait ni le charisme de Fingel, ni même celui de Tallikion ; et il fut hué. Le prêtre s'éloigna, triste et seul. Mais le prêtre elfe s'avança et proclama :



« L'Eldorian a tort ! La Prompte et Forte Poigne se trouve dans le bois ! Le bois est le symbole de la vie, de la nature et de tout ce qui nous pousse à grandir et à nous assagir ! Le Plus Haut n'attend de nous que de suivre cette voie ! » Tous les Elfes ainsi que certains d'autres races l'acclamèrent. Le prêtre sinan suivit, haranguant son propre peuple :



« Ne l'écoutez pas ! Le métal est le symbole de notre lutte contre l'adversité, de l'épée qui pourfendra les hérétiques, de la hache qui tranchera la gorge des inconscients ! La Forte Poigne nous approuve ! »



Puis chaque autre prêtre s'avança, jurant à chaque fois que l'un avait raison, que l'autre avait tort, et prônant sa vision au travers d'un élément. Ce fut la naissance de la religion telle qu'on la connaît maintenant : divisée selon six éléments. Tous partirent de l'île de leur propre côté, laissant seulement une barque, que le prêtre eldorian s'était lui-même fabriquée. Il était désormais le seul sur l'île. Il errait dans les ruines et savait qu'il finirait ses jours ici.



Un jour, alors qu'il n'avait plus le moindre espoir quant à l'avenir de ce monde, il vit un objet briller, sur le sol. Il s'approcha afin de découvrir ce qui avait capté son attention. C'est à cet instant qu'il vit un fragment de la croix ensanglantée, celle-là même qui avait tué Tallikion.



Il ramassa ce morceau, et le garda auprès de lui, lui le seul qui avait été contre la mise à mort de Tallikion, lui qui, bien malgré lui, avait été le père fondateur de la religion telle qu'elle est actuellement. Il marchait, toujours sans aucun but, attendant que la mort vienne le chercher, se refusant à se donner la mort lui-même. Sans doute était-il trop fier pour ça, sans doute gardait-il, enfouie au fond de lui, une lueur d'espoir, sans doute avait-il la foi.



Un soir, il eut en rêve une vision : la vision de la Forte et Prompte Poigne, le Dieu auquel il croyait. Peut-être était-ce une hallucination, mais celle-ci lui demanda de répandre la vérité parmi les êtres des Landes. La flamme, au plus profond de lui-même, se raviva. Il avait désormais un objectif, le Plus Haut lui avait parlé, il devait accomplir sa mission. Il emprunta donc la dernière barque, laissant l'île seule, totalement inerte.



Il navigua plusieurs jours, sans la moindre peur, car il était protégé. Quand il aperçut un jour de la terre à l'horizon, ce fut un véritable soulagement. Il fut chanceux, car il arriva dans un village eldorian. Ailleurs, il serait peut-être mort. Toujours est-il qu'il fut recueilli par une famille fort généreuse. Une fois remis sur pied, il commença son prêche. Mais les nouvelles croyances avaient déjà gagné la contrée, et personne ne l'écoutait. Il était alors exactement dans le même état qu'à l'instant même où il s'était fait huer par son auditoire.



Il y avait quand même une personne dans le village qui le croyait. Elle était la fille de la famille d'accueil du prêtre. Peut-être n'y croyait-elle pas vraiment, toujours est-il qu'ils étaient amoureux. De leur union naquit un enfant. A la naissance de cet enfant, le père lui octroya son fétiche, sa croix. La preuve de ce qu'il avait vécu, si un jour, tous oubliaient, ce fragment leur rappellerait, serait la preuve de la colère divine.



Tout le long de la croissance de l'enfant, le père lui enseignait sa religion, lui transmettait la vérité. Mais le village observait d'un œil méfiant la demeure de ceux qui étaient différents. L'enfant n'en était plus un. Il avait vingt fingeliens. Il était considéré par tous comme un démon, fruit de deux hérétiques. Il commençait à prendre le relais de son père, et à apporter à travers le village sa vision.



Un soir, comme tant d'autres, il dormait dans sa chambre, dans sa maison où se trouvaient ses deux parents. Un groupe de personnes déclencha un incendie pour les brûler tous les trois. Mais l'enfant, lui aussi, eut une vision. Il se trouvait au cœur d'une bataille, qu'il livrait contre des créatures horribles. Ce cauchemar le réveilla en sursaut. Quand il ouvrit les yeux, les flammes étaient dans sa chambre, et avaient déjà consumé le reste de la maison. Il parvint à s'enfuir en s'échappant par une fenêtre, mais il devait maintenant se confronter à la réalité : devant l'endroit dans lequel il était né, dans lequel il avait grandi, dans lequel il avait vécu, il sut que ses parents étaient morts. Il comprit que la haine n'était pas juste une question de races, ou de couleur de peau, mais qu'elle pouvait prendre diverses formes, que la différence engendrait la jalousie, que la jalousie engendrait la haine.



Il s'enfuit alors du village, en pleurs, désirant se venger de tous, mais sachant que ce serait du suicide. Il marcha pendant des jours et des nuits, et arriva finalement dans un autre village eldorian.



Son destin suivit son cours, et il était parmi la première vague d'aventuriers à s'aventurer au centre des Landes, aux côtés d'Illumen. Son cauchemar s'était réalisé, mais il avait choisi cette vie.



Maintenant, ses traits se sont creusés, des rides l'envahissent, et il vit désormais en ermite quelque part sur les Landes, transmettant la vérité à chaque aventurier voulant l'apprendre, gardant toujours son fragment de croix auprès de lui.

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