Garde à vous !

Cette taverne de l'Île du Trépont, accueille les aventuriers depuis le début de la colonisation des Îlots Centraux. Venez-donc boire un verre, parler de tout et de rien, dans la bonne ou la mauvaise humeur !
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Phedre
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Garde à vous !

Message par Phedre »

Elle a disparu sans prévenir. Elle revient avec la même politesse. Des bottes, des cuissardes, tout cette clinquance qui ruissele sur le plancher. Le fleuret au fourreau, la langue toujours de sortie. Elle jete son heaume au premier venu. Ramène ses cheveux en une pointe dure. Un regard dédaigneux pour les quelques places qui s'offrent à elle. Consommer ? Pourquoi ? On se sentirait la dernière des recrues du régiment des bras cassés à croiser son oeil de sergent patibulaire. Et puis cette façon de poser les mains sur ses hanches comme certains croisent les bras, en l'attente d'une réponse à un ordre silencieux. Elle a maigri, la dureté de ses traits est à son comble. Aux dernières nouvelles, elle rejoignait une compagnie de montagnards venue sonder les altitudes. Et puis plus rien. L'écho de son absence avait crié aux dernières batailles politicardes. Mais pour elle, c'était seulement hier. Une désinvolture dans ses gants blancs, Phedre lance :

Alors ! Comment se porte Pierre Blanche ? Et ce Val, alors ? Les elfes s'en sont-ils retournés les oreilles entre les jambes ? Avons-nous vaincu ?
Et les nains, se sont-ils bien ridiculisés ?

On ne lui reconnaît pas ce sourire étrange et fou et si éloigné des réalités.
Margrave de Pierre Blanche
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Yule
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Re: Garde à vous !

Message par Yule »

Pieds sur une chaise, le fessier avachi sur une autre, deux yeux observent de leur niche la soldate Phèdre. Un rempart fait de chopines et de cruchons vides les sépare tout à fait. Le silence se fait insistant, la rousse édile se contentant d'expirer avec volupté une fumée bleutée de sa pipe.

Attirons d'ailleurs l'attention sur cet objet : une longue tige de bois d'olivier baguée d'un maillon de cuivre et terminée par un ravissant fourneau d'écume de mer sculpté en forme de poisson volant.

Revenons en à notre renarde : en cet instant fugace, mais intense, une pensée lui vient : elle s'imagine se lever et coller une mandale à Phèdre. Ça lui tire un sourire de connivence avec elle même, et c'est déjà pas mal.
Une autre bouffée.
Mouai, si elle me voit je la salue. Sinon, ça sera pour Aigle.
Yüle Van Delbaeth
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Phedre
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Re: Garde à vous !

Message par Phedre »

Les interrogations de Phedre retombent vite dans le silence et l'ennui. Ici, l'affaire était davantage à la soupe qu'on venait de servir. La potentialité d'une guerre pour le Val, les inimitiés locales, tout cela avait été balayé par l'apparition soudaine d'un cuisinier galdur, récidivant une fois l'an en cuisines, pour régaler de sa fameuse spécialité au troll. Et c'était un concert de slurp, de burp et de miam, de la plus grande élégance. Les ventres transis crevaient d'amour pour ce joli coeur des fourneaux. Quand cesserait-il de courir le monde ? Se fixerait-il un jour ? Sans doute alors sa taverne serait pleine à craquer du matin au soir.

Hum ! se dit Phèdre, à part. Personne pour se lamenter sur son sort.
Elle avise l'étrange tas de fumée qui s'évapore des reliefs d'une beuverie passée.

Et puis un vieil homme qui avait vraisemblablement moins faim de soupe que d'attention, vient s'harponner à la soldate. Les solitaires, ces cibles de choix pour qui a tout son temps pour dévorer celui des autres.

Oh, moi, d'où vous êtes disparue, vous ! Le Val c'est dépassé de mode, dit'donc ! Maintenant, moi, ça parle plus que de ces elfes qui sortent de nulle part ! Halldonnen ! Ambaranna ! Comme ça ! Tous ces nouveaux mots à apprendre, moi, à mon pauvre âge ! Et toute cette magie, ça sent le soufre, c'est moi qui le dis ! D'ailleurs, moi, quand je servais sous les ordres d'Enethin...

Mais Phèdre a la tête ailleurs. Décidément, ce ne sera pas dans cette taverne qu'elle trouvera Yule ou Aigle Noir. Elle sourit à l'idée que ses camarades soient, à cette heure, encore plongés dans les urgences que réclamait Pierre Blanche. Sans doute examinaient-ils de nouveaux traités à la faveur d'une chandelle, entre les colonnes des ambassades eldorianes. Il manquait à Phèdre de remonter les bretelles de Yule, pour l'amour de l'art. Elle repart, la main au pommeau, le vieux à ses trousses.
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AigleNoir
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Re: Garde à vous !

Message par AigleNoir »

L'eldorian rentre à son tour dans la taverne, tenant dans les bras son heaume sur lequel on peut distinguer du sang séché de chimérien, mêlé à de la boue ; la barbe rase, l'oeil un brin fatigué. Il manque de peu de heurter Phèdre, sur le départ. D'un geste sec, il éloigne le vieux qui semble poursuivre l'édile eldoriane, de passage. Ou de retour ? se demande-t-il.

"Tiens donc, une revenante. Mon salut Dame Phèdre. Ne partez pas comme cela. Vous semblez amaigrie... avez-vous fait des folies ? "

Jetant un coup d'oeil sur l'assemblée, il reconnait Yule et ne peut s'empêcher d'afficher un sourire au souvenir des échanges épiques entre les deux eldorianes qui lui reviennent en mémoire. Les taquineries de Yule, les postures droites et fières de Phèdre...

"Revenez-vous assurer votre charge d'édile à nos côtés ? Ou me faites-vous une fausse joie ?"

Puis, factuel, comme a son habitude, l'édile eldorian lance :

"Sachez que Pierre Blanche se porte à merveille puisque sous gestion eldoriane. La deuxième chambre des édiles, de son côté, a figé dans le marbre notre gestion du Val, ce qui, vous l'admettrez, est la meilleure chose qui pouvait arriver à ce territoire. Votre argumentaire y est pour beaucoup. Il a écrasé toute prétention elfique et mis en lumière notre action et notre administration. Mais tout cela a été occulté il y a peu par la découverte d'une nouvelle tribu, d'un nouveau peuple - je ne saurais le dire - en Irillion... des elfes perdus depuis des fingéliens, protégés par une savante magie. Mais Yule a dû vous en parler. Elle s'est beaucoup impliquée pour proposer une solution et porter haut nos couleurs."

Se dirigeant vers la table occupée par Yule, qu'un panache de fumée encombre, il fait signe à Phèdre de le suivre, se délectant par avance de la conversation à venir entre ses deux consoeurs.

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Phedre
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Re: Garde à vous !

Message par Phedre »

Ils avaient manqué de se rentrer dedans. D'un geste sec, Aigle Noir éloigne le vieux qui collait aux basques de Phèdre. Il s'inquiète de sa santé, se préoccupe de ses humeurs, s'interroge sur ses états de service. Pas un mot sur lui. Pudique, discret, sobre. Bref, Aigle, quoi.

" Des folies ? Peut-être..."

On sent le visage de Phèdre pleine d'une ivresse non contenue, un relâchement qui contraste avec ses traits resserrés. Ses lèvres ne sourient pas, jamais, pourtant son visage est sans retenue. Il brille. Cela étonne, détonne. Qui ne la connaîtrait pas lui imaginerait une robe, plutôt que le port altier d'une cuirasse amazone. Elle se laisse couler entre les voix, les chaises, les tables, la fumée, Yule, bonjour, bonsoir, ah, eh ! comment ? L'avait-elle vue dès son entrée ? S'était-elle cachée derrière cet écran de fumée ? Elle n'a pas envie de lui en tenir rigueur. Elle est contente. Oh, et puis le Val est sauvé, c'est formidable, mais oui. On lui parle de cette tribu de désespérés. Nouvelles ambitions. Absolument, illustrons-nous. Elle écoute avec une politesse impatiente, acquiesce mollement à l'idée de son retour aux affaires publiques. Et puis, avec rondeur :

" Ces chopes sont-elles vides ? Mais quelle horreur !

Ne fâchons pas le vin, camarades !"

Personne n'a jamais vu Phèdre boire autrement que de l'eau. Personne ne l'a jamais vue enjouée autrement que devant la perspective d'une bataille. Pourtant elle vous arrose ces verres avec l'habilité d'un sapeur nain au beau milieu d'un incendie. Il faut boire ! Réparer cette injustice ! Trinquons ! Alors ?!

Et pour les achever, tous ces regards incrédules, interdits, qui s'étouffent et la scrutent avec l'inquiétude d'un médecin au chevet d'un blessé de guerre :

" Devant qui dois-je donc me prosterner, à présent ? "

Elle galbe les mouvements d'une jupe invisible puis expédie sa première lampée dans un rire sonore, bien grand, plus grand que la discrétion dont elle s'était faite jadis la carapace.
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Yule
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Re: Garde à vous !

Message par Yule »

Un regard plus meurtrier qu'assassin, surtout à Aigle, pour accueillir le tandem qui s'invite à sa pause. Et puis un sourire, pas trop figue ni raisin, mais un sourire quoi.
Bien sur fallait qu'Elle tire sur la chaise qui soutenait la marche de son monde. Bottes au plancher, fesses au fond de sa chaise, dos pas tout à fait droit, n’exagérons rien, on se repose.

Un simple "Salut Phèdre" cordial, approprié.

De toute façon, elle n'a pas le temps d'en placer une. L'autre parle, parle, volubile, et enquille avec ça. Elle regarde longuement son camarade, le chevalier. Elle a même arrêté de fumer. Ils se regardent juste, vaguement gênés. Le moulin s’abreuve de son air et de houblon fermenté, la rouquine en devient carrément hilare.

Ça... ça c'est pas mal Aigle, crie son minois à la dignité faite homme.

Ah, mais ne rions pas trop vite. Voilà les sujets fâcheux qui arrivent.

"- Se prosterner ? Devant l'Etre si ça te chante."

Elle se doute de quoi Phèdre s'enquiert. Chienlit... quelle chienlit.

La rouquine rajuste sa posture, rejette en arrière sa crinière en flamme et expire un nuage de fumée douceâtre à la tronche des deux autres. Allez savoir ce qu'il y là dedans, peut-être pas que du tabac.
Elle regarde Phèdre de bas en haut, et termine par l'air affranchie de la soldate. Elle brille, la lionne, de ses conquêtes.

"- Aigle arrivait pas à se décider, c'est entre lui et lui-même. S'tu vois ce que je veux dire. Alors j'attends qu'il trouve un signe. Vu que tout le monde s'en cogne d'attendre, j'attends. Mais je pense qu'il n'attendait que toi. Nan ? "

Et puis de lui ajouter, à Aigle, petit coup de menton à l'appui en direction des vestiges de la beuverie :

"- C'est toi qui paie. "

Et c'est visiblement pas une question.

Puis elle ramasse ses jambes sous elle, redresse la tête, avise son sac, et se lève. C'est net qu'elle va se tirer et chercher une autre retraite.

"- Si vous voulez bien m'excuser, j'ai du travail." Ça ne sonne même pas comme un mensonge.

Peut-être même qu'elle est un peu contrariée finalement.
Yüle Van Delbaeth
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