La Compagnie de la Rose
Publié : 10 mai 2020, 12:12
C'est un muret qui condamne la rue un peu plus tôt qu'espéré. Ses pierres sont de grès, probablement des montagnes d'Orvale, et sa structure forme un arrondi qui se rehausse en son centre. Là, une porte coquette, du chêne, comme on en voit dans la FroideForêt. La porte est toujours fermée, et seuls les deux arbustes qui s'envolent du grès permettent de deviner un jardin. Un petit jardin. On évaluerait la distance entre le muret et la demeure à dix pas. Parfois, dans la journée, on s'arrête devant le muret. On imagine de la vie à l'écoute du rire d'une jeune fille et le tricot d'une vieille. On pense : c'est un rire d'oiseau en cages. Quand vient la nuit, un homme grisonnant au dos courbé y rentre avec ses dossiers. Bruit de clés, porte qui se claque, les lumières s'éteignent. Voilà, la maison s'apprête à dormir.
Une tête dépasse du muret. Puis deux. Puis trois. Des têtes de filous, de voyeurs, des têtes d'acrobates avant l'aube. Leur haleine sent la taverne, leur cou a la marque des baisers. Ils laissent derrière eux une fenêtre ouverte, avec une robe de chambre en toile de fond. Ce sont des gaillards fort bien habillés, quoique l'un des trois soit nu d'une chemise et d'un pantalon.
"Allons, Poras, encore un effort !", lance l'homme au nez proéminent.
"Fichu tas de graisse ! Je voudrais vous y voir, vous autres...", souffle le géant rougeaud, toujours sur le muret.
"Aide-le, Salvino, tu vois bien que je suis moi-même dans une situation délicate !" dit l'homme nu à l'homme nez.
"Que la Prompte et Forte Poigne m'accompagne..." répond le nez au nu.
A l'angle de la rue : "Silence ! Vous allez réveiller tout le quartier !"
Puis : "Frotte ton nez, Salvino ! Ca te portera chance !"
Ca, c'est Guartane. Deux grammes de douceur dans quarante kilos de malice. Des cheveux aussi longs que libres, l'oeil espiègle, l'autre imprudent de jeunesse.
"La voix est libre, ma jolie ?" Siram, l'homme nu à la fantastique moustache.
"La prochaine fois que tu m'appelles ma jolie, je te tranche l'attribut et le jette en pâture aux dames de salons", répond l'eldoriane. Pendant qu'un Salvino suicidaire réceptionne un Poras ridicule, Guartane lance un regard furtif dans la rue adjacente. Du monde vient.
"Personne. La voie est libre, allons !"
Les trois compères se lancent, longent les murs à grand pas de voleurs. Siram cache sa vertu derrière les épaules de Poras. Le géant se remet de son escalade, Salvino masse son cou endolori. L'élan s'arrête subitement quand ils tournent à l'angle. Des hommes en uniforme arrivent en face. Soldats en patrouille, flanqués d'un homme en armure noire.
"Guartane ! Tu avais UNE mission, c'était de faire le guet pour nous !" peste Poras.
Guartane, les bras croisés, boudeuse : "et vous, toujours le beau rôle, messieurs ! Moi aussi j'aurais voulu participer au sauvetage glorieux du compagnon Siram ! Le délivrer du sort funeste qui l'attendait !"
Les soldats se rapprochent.
"La mission était pourtant claire, Guartane, fait Salvino. On guettait le retour du vieux mari sortant de son travail, et on se dépêchait de récupérer Siram des bras de la jeune épouse avant que le vieux ne découvre le pot-au-rose !"
"Vous y repenserez à deux fois, avant de me lancer les miettes de la victoire !" Guartane secoue la tête.
Voilà le résultat.
"Alors mademoiselle, messieurs, on s'amuse à poil toute la nuit ? " s'amuse un premier soldat.
Un deuxième soldat : "on dérange les honnêtes gens ? Outrage aux bonnes moeurs, mmh ?"
Un troisième, à l'adresse de l'homme en noir : "elle est belle la Compagnie Blanche !"
L'homme en noir ne répond pas, mais assassine des yeux les quatre Compagnons Blancs. Sa présence est d'autant plus menaçante qu'il porte un heaume terrifiant, serti d'écailles de créatures anciennes. C'est un Compagnon Noir, un homme qui a dédié sa vie à étudier les mystères de la Prompte et Forte Poigne. Il ne les sermonnera pas, ces insolents de la Compagnie Blanche. Ceux-là ne savent que guerroyer et festoyer. Ils n'ont aucune conscience d'eux-même. Protéger Pierre Blanche, certes, mais pour ensuite se dégrader ? Non. Le Compagnon Noir a trouvé sa voie. Protéger l'intérieur plutôt que l'extérieur. Tout dédier à la Poigne.
"Allez les gars, attrapez-moi ces pitres, qu'on leur donne une leçon." ordonne un sous-officier.
"Je peux régler votre compte avec mes poings, soldats, s'ils conviennent à la noblesse de votre âme !" s'amuse Salvino, pendant que les épées des militaires sortent du fourreau.
Car bien entendu, ni Salvino, ni Siram, ni Guartane ni Poras ne sont armés.
Une tête dépasse du muret. Puis deux. Puis trois. Des têtes de filous, de voyeurs, des têtes d'acrobates avant l'aube. Leur haleine sent la taverne, leur cou a la marque des baisers. Ils laissent derrière eux une fenêtre ouverte, avec une robe de chambre en toile de fond. Ce sont des gaillards fort bien habillés, quoique l'un des trois soit nu d'une chemise et d'un pantalon.
"Allons, Poras, encore un effort !", lance l'homme au nez proéminent.
"Fichu tas de graisse ! Je voudrais vous y voir, vous autres...", souffle le géant rougeaud, toujours sur le muret.
"Aide-le, Salvino, tu vois bien que je suis moi-même dans une situation délicate !" dit l'homme nu à l'homme nez.
"Que la Prompte et Forte Poigne m'accompagne..." répond le nez au nu.
A l'angle de la rue : "Silence ! Vous allez réveiller tout le quartier !"
Puis : "Frotte ton nez, Salvino ! Ca te portera chance !"
Ca, c'est Guartane. Deux grammes de douceur dans quarante kilos de malice. Des cheveux aussi longs que libres, l'oeil espiègle, l'autre imprudent de jeunesse.
"La voix est libre, ma jolie ?" Siram, l'homme nu à la fantastique moustache.
"La prochaine fois que tu m'appelles ma jolie, je te tranche l'attribut et le jette en pâture aux dames de salons", répond l'eldoriane. Pendant qu'un Salvino suicidaire réceptionne un Poras ridicule, Guartane lance un regard furtif dans la rue adjacente. Du monde vient.
"Personne. La voie est libre, allons !"
Les trois compères se lancent, longent les murs à grand pas de voleurs. Siram cache sa vertu derrière les épaules de Poras. Le géant se remet de son escalade, Salvino masse son cou endolori. L'élan s'arrête subitement quand ils tournent à l'angle. Des hommes en uniforme arrivent en face. Soldats en patrouille, flanqués d'un homme en armure noire.
"Guartane ! Tu avais UNE mission, c'était de faire le guet pour nous !" peste Poras.
Guartane, les bras croisés, boudeuse : "et vous, toujours le beau rôle, messieurs ! Moi aussi j'aurais voulu participer au sauvetage glorieux du compagnon Siram ! Le délivrer du sort funeste qui l'attendait !"
Les soldats se rapprochent.
"La mission était pourtant claire, Guartane, fait Salvino. On guettait le retour du vieux mari sortant de son travail, et on se dépêchait de récupérer Siram des bras de la jeune épouse avant que le vieux ne découvre le pot-au-rose !"
"Vous y repenserez à deux fois, avant de me lancer les miettes de la victoire !" Guartane secoue la tête.
Voilà le résultat.
"Alors mademoiselle, messieurs, on s'amuse à poil toute la nuit ? " s'amuse un premier soldat.
Un deuxième soldat : "on dérange les honnêtes gens ? Outrage aux bonnes moeurs, mmh ?"
Un troisième, à l'adresse de l'homme en noir : "elle est belle la Compagnie Blanche !"
L'homme en noir ne répond pas, mais assassine des yeux les quatre Compagnons Blancs. Sa présence est d'autant plus menaçante qu'il porte un heaume terrifiant, serti d'écailles de créatures anciennes. C'est un Compagnon Noir, un homme qui a dédié sa vie à étudier les mystères de la Prompte et Forte Poigne. Il ne les sermonnera pas, ces insolents de la Compagnie Blanche. Ceux-là ne savent que guerroyer et festoyer. Ils n'ont aucune conscience d'eux-même. Protéger Pierre Blanche, certes, mais pour ensuite se dégrader ? Non. Le Compagnon Noir a trouvé sa voie. Protéger l'intérieur plutôt que l'extérieur. Tout dédier à la Poigne.
"Allez les gars, attrapez-moi ces pitres, qu'on leur donne une leçon." ordonne un sous-officier.
"Je peux régler votre compte avec mes poings, soldats, s'ils conviennent à la noblesse de votre âme !" s'amuse Salvino, pendant que les épées des militaires sortent du fourreau.
Car bien entendu, ni Salvino, ni Siram, ni Guartane ni Poras ne sont armés.