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Cahier d'un retour aux îles centrales

Publié : 28 févr. 2016, 21:02
par Kaora
Sur l’onde glisse la barque vieillie
Et je foule d’un pas lourd l’île bénie.
Séridia ! Maudite — me revoilà,
Long fut l’exil, je retrouve tes bras.
Maintenant la terre est devenue pierre,
Et les pierres ont donné des cités
Foulées par les races entremêlées.
Mes yeux se réjouissent de ce tableau
Ignorant mon cœur qui pense tout haut :

« Regardez-les, ces filles et fils de,
Aux têtes fières couronnées de rêves
Jouissant de la jeunesse de leur sève
Sans jamais un regard vers leurs aïeux.
De ceux-là parlons-en. Qui sont-ils ?
Qui a tracé ces chemins avant eux ?
Qui a trouvé la caverne du Thyl,
Qui combattit ces bandits par deux¹ ?
Leurs beaux exploits ne seront pas les vôtres
Car vos lames croiseront des fers nouveaux
De monstres connus, inconnus, et d’autres
Qui anobliront les futurs héros.
Mais de ces faits, vous ne parlez jamais ;
Ni chant, ni poème de leurs victoires
Ne s’élèvent autour du feu du soir
Où l’on berce l’enfant ensommeillé.
En avez-vous honte ? Je ne le crois.
Et j’entends pourtant vos chants résonner
Mais jamais vous ne goûtez ces sujets.
Vous avez le temps, vous avez la voix,
Pourquoi vous détournez-vous du passé ?

Car vous ne le connaissez pas. Dommage !
Vous vous riez du temps des anciens âges
Auxquels vous ne montrez qu’indifférence
Quand le respect devenait évidence.
Jeunes âmes de tout peuple, méditez !
Buvez à la source de la mémoire
Cueillez aux vergers des vieilles histoires,
De sagesse vous serez rassasiés.
Vous saurez naviguer sereinement
Évitant les écueils cachés d’antan,
Soustrayant votre vaisseau aux dommages
Qui lui auraient refusé le rivage.
Et perçante sera votre vision
Dont la portée atteindra l’horizon,
Sans la crainte du brouillard du hasard
Chassé par les feux brillants du savoir.
Dépoussiérez grimoires et parchemins,
Témoins d’hier ; compagnons de demain. »


Ces mots pouvant paraître méprisants
Pour le nouveau venu traité d’enfant
Sommé bêtement d’écouter les grands.
La vérité est que mon cœur se serre
Ce faisant distille son jus amer
Noyant de prétextes mon vrai chagrin.
Car depuis mon retour séridien
Villes ou gens ; je ne reconnais rien,
Dépassée par un temps qui n’est plus mien.

Landes cruelles ; plus un seul ami
Pour rejouer un temps mes souvenirs.
Aucune lame ne fait plus souffrir
Que l’acier froid et mordant de l’oubli.



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¹ : Fait référence au couple Eurazia et Euraziak ayant agressé plusieurs natifs, dont l’arrestation nécessita l’aide de tous les aventuriers