Pillages à la Cité de la Rive

(année 2010)
Chaneoul
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Inscription : 17 déc. 2008, 19:01

Pillages à la Cité de la Rive

Message par Chaneoul »

Le soleil est au plus haut dans le ciel. Mais il sèche mal un sol toujours humide et réchauffe peu un air passablement malsain. Chaneoul inventorie les dernières armures reçues ce matin quand il est distrait par une clameur. Sourde et grandissante, elle parait venir de l'orée du bois tout proche. À peine a-t-il le temps de s'interroger qu'une masse de plusieurs dizaines de natifs fond sur lui et le chahute. Un Sinan, un homme au corps noueux et au regard pénétrant, l'interpelle :

"Chaneoul ! Donne-nous de quoi défendre nos vies contre les hordes sauvages. Laisse-nous tes équipements.

- Sénéchal, piaille un Kultar aux oreilles rondes et régulières comme des pièces d'or, tu as sauvé nos parents autrefois. Tu peux encore nous aider. Confie-nous des épées. Hé... Oh ! Des armures ici, des armures pour nous protéger.

- Il a raison, insiste un Homme Bleu aux cheveux et aux épaules couverts de sable. Regardez ! Des armures ici et là des dagues et des glaives. Prenons-les !"

Assailli par la foule, le vieux commandant tente de défendre sa marchandise :

"Arrêtez, voyons ! Je vous en prie, arrêtez ! Tout cet équipement servira, mais il faut le donner aux milices de nos villes ! Vous ne savez même pas si ces affaires vous iront correctement. Et de toute façon, vous n'avez jamais appris à utiliser un tel attirail. Laissez faire ceux dont c'est le métier. Mes amis ! Mes amis..."

Chaneoul ne finit pas sa phrase, des gens le pressent et le harcèlent comme des chiens forçant un cerf exténué. Un Haut-Elfe aux traits tirés fouille une carriole, deux Galdurs aux muscles saillants commencent à empiler des cuirasses, quelques Nains presque silencieux se saisissent des épées les plus larges et les plus longues, une bande aboyante essaie d'enfoncer la porte d'une réserve. La chasse aux trésors occupe la meute remuante. Préférant finalement se poster en retrait, se tenant les côtes et respirant avec difficulté, le marchand d'armes est médusé par la scène. Un de ses commis, un jeune Eldorian portant un bonnet de laine et des habits en toile grossière, vient aux nouvelles :

"Patron ! Patron ! Vous allez bien ?

- Mon garçon ! Chaneoul saisit son assistant par les épaules. Ces gens saccagent mon commerce. Va vite nous trouver des secours.

- J'ai vu une patrouille passer pas loin. Je m'en occupe, patron."

Constatant, impuissant, les dégâts, le fidèle d'Ernek maugrée :

"Il est temps que notre armée mette un terme à ce désordre. Oh oui, plus que temps...

- Prenons toutes les lames, crient certains dans la foule. Emportons aussi les boucliers. Ne laissons rien !

- Qu'on vienne seulement nous barrer la route, ajoutent d'autres émeutiers. On a de quoi se battre maintenant !"

Un vent humide et froid se lève. En regardant vers la mer, Chaneoul se rend compte que l'horizon s'obscurcit. Il se souvient des batailles anciennes et des héros disparus. Il se remémore ses années glorieuses et commence à trembler.

Chaneoul
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Re: Pillages à la Cité de la Rive

Message par Chaneoul »

Ayant abandonné Reca aux mains de l'aventurière galdure et accompagnant le commis sur la place de l'émeute, les soldats ne peuvent que constater les dégâts. Quelques badauds ébahis sont venus aux nouvelles, des pillards paraissent trainer aux alentours, mais il ne reste rien à sauver. Chaneoul accueille la patrouille avec des larmes dans les yeux.

"Regardez ce désastre. Mes marchandises sont dispersées. Même la réserve a été enfoncée et pillée. Comment vais-je expliquer aux bourg-maitres que je n'équiperai pas leurs milices ce mois-ci ? Si un ancien sénéchal d'Elouin et ami personnel du Général Ernek ne peut préserver son magasin, qui lui conservera sa confiance pour habiller demain les gens d'armes ? Ma réputation est fichue, ces cochons m'ont tout pris.

- Je vous promets, intervient droit dans ses bottes le chef de patrouille, que nous ferons la lumière sur cette affaire. Nous interrogerons tous les suspects que nous trouverons. Nous obtiendrons des aveux et nous récupèrerons votre marchandise. Je m'y engage personnellement ! Car un authentique patriote eldorian recevra toujours de notre armée le soutien nécessaire. Vous percevrez le juste dédommagement pour le préjudice subi et vous continuerez à entretenir efficacement les milices qui veillent sur nos villes.

- Arrêtez de me débiter vos phrases sottes et faites cesser au plus vite cet insupportable chaos ! s'emporte Chaneoul. Notre communauté dirige depuis toujours les affaires séridiennes. Elle doit continuer de se faire respecter. Ernek - le Ciel protège ce grand homme - s'épuise à neutraliser les comploteurs et à pacifier l'île, mais ses adversaires sont déterminés à salir son image et à ridiculiser son action. J'entends beaucoup de médisances à son encontre, dictées par les ambitions contrariées et les jalousies mal placées. Il faut mettre un terme à cette campagne infamante et au désordre qui en découle. C'est bien clair ?

- Toutes les mesures nécessaires seront prises pour éliminer les fauteurs de troubles, Sénéchal. L'armée nettoiera ce purin et tant pis pour ceux qui seront pris à manœuvrer contre nous.

- Chef ! Chef ! hurle un soldat. J'en tiens un, c'est un émeutier, on va l'interroger.

- Menez votre enquête à votre guise, continue Chaneoul. Certaines compagnies sont réorganisées, des grades d'officier sont à distribuer. J'aurais grand plaisir à présenter au Général Ernek des hommes soutenant ardemment et efficacement notre lutte."

Le marchand d'armes commence à marcher en direction de son employé pour lui donner quelques instructions, puis se ravise. Il se tourne une nouvelle fois vers le meneur de la troupe et lui tapote la poitrine d'un index rageur.

"Il y a aussi des remplacements à effectuer dans les camps fortifiés des montagnes. Retrouvez ma marchandise, conclut Chaneoul. Retrouvez-la et je ferai de vous un officier dans la compagnie de votre choix. Retrouvez-la ou vous irez compter là-haut les poils des orques.

- Oui Sénéchal !"

Engoncé dans une armure qui soudain lui pèse, l'homme qui s'est fait promettre monts ou merveilles par Chaneoul sue et blémit. La perspective lui parait vertigineuse. En regardant s'éloigner le donneur d'ordres et le jeune garçon, il s'inquiète et s'interroge sur la pertinence de son zèle. Des cris retentissent encore et le sortent de sa réflexion.

"Chef ! Chef ! Regardez ce Kultar avec ses drôles de petites oreilles dorées.

- Lâchez-moi, s'époumone l'habitant des marais qui ne comprend pas pourquoi lui seul s'est fait prendre. J'ai rien fait de plus que les autres. Reposez-moi à terre. Pourquoi vous n'arrêtez pas aussi le grand Galdur ou les gros Nains qui m'accompagnaient ?

- Mais c'est pas vrai, ça ! hurle le responsable du groupe. Tu les collectionnes ? C'est pour ranger avec les bibelots qu'affectionne ta grand-mère ? En quoi celui-ci est-il plus suspect que l'autre à la taverne ?

- Regardez sous son manteau, Chef. Une armure de cuir renforcée par des anneaux de fer. Et coincées dans sa ceinture, deux belles dagues en titane. Avoue donc Kultar, tu te sentiras mieux après.

- Je dois défendre ma famille moi aussi, plaide le voleur. Vous auriez des armes et pas moi ? Vous n'avez pas été fichus d'empêcher notre bon Morumi de se faire massacrer. Vous n'avez pas réagi quand sa compagne et son fils ont failli être lynchés par les Nains de Nord-Thyl. On n'est plus en sécurité nulle part ! On a le droit de se défendre ! Ah mais lâchez-moi je vous dis !

- Ton compte est bon, fripouille. Avec votre permission, Chef, nous allons prestement mener cet individu chez le questionneur. Il aura bien quelques noms à nous cracher.

- Allez ! acquiesce le supérieur qui respire déjà un peu mieux. Un suspect, c'est déjà ça. Que les autres continuent de fouiller les docks et la Cité de la Rive. Interrogez tous ceux que vous rencontrerez. Bastonnez ceux qui résistent. Je veux du concret !"

Satisfait d'obtenir un premier résultat, le chef de patrouille regarde deux soldats lier les mains du Kultar appréhendé. Des nuages noirs s'amoncellent au-dessus de la petite ville portuaire. Quelques gouttes de pluie tombent. Les derniers passants, constatant frileusement la nervosité de la troupe armée, préfèrent retourner vaquer à leurs occupations d'avant sans demander leur reste.

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