Auprès du feu, quand la nuit tombe, se réunissent autour de l’âtre d’une taverne ou d’un feu de camp, les âmes de personnes qui, cherchant un but à leur vie, viennent écouter les légendes des temps anciens.
Les plus jeunes, le regard fixé sur les flammes vacillantes, admirent les héros qui combattent pour la bonne cause ou pour un but personnel fort, tuent des êtres, et survivent toujours aux nombreuses péripéties que le Destin leur a opposé. Les plus vieux, nostalgiques de leur jeunesse, se perdent dans les mots ou dans la voix envoûtante de l’orateur, n’écoutant pas forcément ce qu’il raconte, mais laissant libre court à leur souvenirs, et s’il arrive que certains ne soient pas mélancoliques, c’est qu’ils espèrent encore avoir cette lueur de vie en eux, qui leur permet de rêver, qui leur permet de survivre.
Les Histoires finissent pour la plupart, d’une façon heureuse. Le Héros en sort toujours vainqueur.
Il n’en était pas de même chez les Sinans. Les enfants de ce peuple n’avaient pas les mêmes rêves que les autres. Autour du feu de ce village, les Histoires qui étaient contés avaient un but bien précis. Ni le rêve, ni l’admiration. Chacune des Histoires contées avait un sens caché, une morale que celui qui raconte l’Histoire fait découvrir aux personnes présentes, à demi-mot, jamais rien n’est véritablement dit. Tout est sous-entendu.
Assis près du feu, un enfant s’amuse à bouger les braises à l’aide d’un bâton, quand une étincelle éclate, ses yeux s’illuminent. Certaines fois il lève son regard vers le conteur et sur son visage se lisent certainement ses pensées. Il est concentré, et avide de connaître la fin de l’Histoire, certainement il songera au sens de ces paroles longtemps après, et il ne cessera d’y songer avant d’en avoir découvert le véritable sens.
Cet enfant pensif avait pour nom Valiant. Je n’écrirais pas les souvenirs qui affluent en moi à la première personne, car je me suis tellement détaché de l’enfant que j’étais, que je ne le considère pas comme la personne que je suis devenue.
Une Histoire a particulièrement marqué cet enfant. Notre jeune Sinan a finit de dîner avant tous, il sort et marche lentement vers le feu de camp, il sait que le conteur doit déjà y être. Approchant de la place, il aperçoit une ombre se mouvoir près du feu. Il avait raison. Un Homme est afféré à raviver les flammes avant que les autres n’arrivent, et en le voyant s’approcher, il sourit. Le conteur ne s’étonnait plus de voir l’enfant venir en avance, il faisait ça chaque soir, et lui montrait ces progrès en Nécromancie.
Après avoir discuté un peu avec lui, Valiant tout excité, lui demande d’invoquer quelque chose. L’orateur prononce alors quelques incantations et un aigle renaît de ses cendres, au sifflement de son maître celui-ci vient se percher sur son épaule.
Admiratif, Valiant tend la main vers l’aigle et lui lisse les plumes.
–Ce ne serait pas toi qui aurait volé le linge que ta tante avait étendu ? Elle a retrouvé ses dessous sur le toit du voisin....dit l’Humain d’une voix grave.
Valiant relève la tête et avec un sourire, il acquiesce vivement.
–Oui c’était bien moi !
Le conteur rit aux paroles naïves de l’Enfant et lui demande s’il veut entendre une Histoire. Valiant hoche la tête vigoureusement, et tout content d’avoir un conte pour lui seul, s’assied en tailleur près de son ami.
"Loin d’ici, dans un pays dont aucune carte n’a jamais été faites, dans des contrées d’où aujourd’hui personne ne revient, était un fils de Roi, il se nommait Vérité. Le Souverain de ces terres se nommait Conquérant et son épouse Patiente. Ils avaient deux fils, Vérité et Chevalier. Il était de coutume dans ce pays que la vertu que le fils d’un Roi ou d’un Noble veut qu’il possède lui soit attribué en nom. Ainsi donc notre héros était un jeune homme vif, que la vérité guidait en tous lieux, il était très franc et en effet ne mentait jamais.
Quand Vérité devint majeur, on lui donna un cheval d’un blanc pur, mais le Prince ne l’apprécia pas, et il le dit. Le Roi fort embêté de ce que son fils avait affirmé, trouva que la vertu qu’il possédait n’était pas des meilleures, et il pensa alors que son aîné ne serait pas le meilleur souverain. A contrecœur il prétexta que son garçon allait s’occuper des affaires de l’autre côté de la contrée pour l’éloigner du trône et en faire profiter son deuxième fils.
Vérité fut donc envoyer loin du château, dans une région charmante et verdoyante où les gens vivaient de ce qu’ils appellent le ‘bonheur’. La vie y était douce pour le jeune Prince qui tout le long de la journée se tournait les pouces et regardait les jeunes paysannes passer et venir à leurs affaires. Son conseiller et meilleur ami, était un fils de Noble et se nommait Galant. Ils discutèrent de longues heures allongés près d’une rivière ou sous un arbre, ils chevauchèrent longtemps…
Et pendant le peu de temps que Vérité conversait avec les paysans, il avait déjà réussi à en vexer certains et certaines. En fait Vérité ne répondait qu’aux questions qu’on lui posait, et jamais plus, ni moins.
Un jour, un paysan, le cuisinier, s’en vint lui demander s’il trouvait que sa table était bien dressée, et si il était satisfait. Galant voulut intervenir mais le Prince s’interposa.
–Vous voulez savoir comment je trouve vos mets ? Si l’on peut appeler ça ainsi. Puisque oui ce ne sont pas des plats, c’est à peine si un porc voudrait manger votre ragoût ! Satisfait satisfait, non je ne le suis pas ! Comment le pourrais-je avec des incapables comme vous qui prennent des heures à comprendre ce que je veux !
–Ne l’écoutez pas monsieur, disposez…
-Non restez, je n’ai pas fini ! J’ai demandé du sanglier pas quelque chose comme ça, on ne sent même plus que c’est de la viande sous la dent.
–Mon Prince…
-Allons ramenez moi ça aux cuisines et donnez moi quelque chose de mangeable
–Il faudrait…
–Laissez moi donc finir !
–Mais…
-Et épicez plus votre sauce, on dirait du bouillon. Allez !
Le pauvre cuisinier n’avait pas vu arriver ces reproches et il s’en alla bredouille. Galant essaya d’expliquer que le jeune Prince était trop brusque, mais il ne l’écouta pas.
De même plus tard, une jeune fille fort mal faite s’en vint et demanda audience auprès de Vérité. Elle essaya de lui dire tant bien que mal qu’elle s’était éprise de lui, au bout d’un moment, elle dit :
–Je vous aime, je crois que c’est bien ça.
–Il doit y avoir erreur.
–Non non, bafouilla-t-elle.
–Eh bien.
–Eh bien quoi ?
-Eh bien tant mieux pour vous, moi je ne vous aime pas.
La jeune fille frustrée, partit en pleurs, et le lendemain, on la retrouva pendue dans une étable.
Il y a bien d’autres petites historiettes au sujet du jeune Prince et de sa vertu, mais je ne vais pas m’attarder sur ces détails.
Il y a par contre un événement important qui a marqué sa vie.
Un jour Galant vint lui annoncer son mariage avec une jeune paysanne qu’importe son nom. Vérité de joie commença les préparatifs de la fête. Mais quand il vit la jeune fille, il en tomba amoureux. Galant ne lui posant pas de questions, il alla rejoindre plusieurs fois la paysanne chez elle, et tout deux s’aimaient en cachette. Mais vint un jour où on accusa Vérité d’avoir tué le cuisinier, il jura que non. Et on lui demanda son alibi. Il dit ;
-Ce soir-là j’étais chez l’épouse de mon meilleur ami.
–Galant ?
–Lui-même.
–Qu’y faisiez vous donc ?
–Et bien je dormais près d’Elle.
A ces mots tous furent indignés et Galant n’en revint pas. De rage il saisit son épée, et d’un coup d’estoc tua le Prince. Il se fit condamné à la mort pour avoir tué l’héritier du trône. Et tous se remémorèrent de Vérité pour sa fin idiote. "
Le Sinan regarde l’enfant avec des yeux brillants, il savait qu’il avait déjà compris la morale. Valiant relève la tête et dit d’une voix hésitante :
-Serais-je… trop franc ?
L’orateur ne répond pas et voyant les autres du village approcher, il se lève et se racle la gorge, avant de commencer une nouvelle histoire.
[HRP: Remerciements à Belegondil pour m'avoir fourni la source de mon inspiration!

Valiant dépose le parchemin sur l'âtre, et avec toute la haine qu'il pouvais avoir pour son passé, il sort de la maison, en sifflant comme si de rien n'était.