Gahard était assis dans cette demeure qu'on lui avait prêté à Thyl-Dur. La journée avait été rude mais, comme à son habitude, il ne se plaignait pas. Se plaindre, lui, non. Il avait vécu tant de choses, tant d'années, tant de souvenirs aussi.
Il posa ce livre, seul vestige de sa vie passée, sur la table. Le livre était soigneusement emballé dans un morceau de cuir tanné. Le vieux nain enleva délicatement la poussière et déballa le livre.
Sa couverture de cuir était usée et laissait apparaître, de ci de là, les vestiges de riches ornements. Le titre n'était plus lisible depuis bien longtemps. De toutes les façons, l'écriture runique utilisée avait été oubliée de la mémoire collective et ce même parmi bien des fils de la tribu d'Indur. On dit que certains grands anciens l'utilisent encore mais ce savoir s'est perdu avec le temps.
Gahard caressa la couverture avec une infinie délicatesse, il aimait sentir le vieux cuir sous ses doigts. Puis il l'ouvrit lentement. Les pages, écritent dans la même écriture runique, étaient maintenant jaunies par le temps. Il se plut à relire quelques pages au hasard. Chaque page, chaque croquis était pour lui un souvenir heureux ou malheureux.
Il s'attarda plus longuement sur une page. Les fines runes avaient laissé la place à une écriture plus hésitante dont l'encre semblait être du sang séché. Une larme coula lentement sur sa joue ridée. Il s'empressa de l'essuyer. Malgré le temps, le souvenir était toujours aussi vif et la douleur aussi forte.
Il arriva enfin sur la première page blanche et prit sa plume qu'il trempa dans l'encre noire. Il hésita un moment avant d'écrire une phrase et de commencer un croquis. Au bout de quelques heures, le croquis du mémorial se trouva complété et détaillé.
La nuit avançait maintenant et, fatigué, il referma le livre, le remis dans son écrin de cuir et le rangea avec attention dans sa besace.
« demain, j'iro choisir l'pierre pour ch'foutu mémorial »
De toutes les façons, cela pouvait bien attendre encore un peu même si le temps qui lui restait à vivre était maintenant compté.
Il pinça la flamme de la bougie pour l'éteindre et alla dormir le peu de temps qu'il restait avant l'aube. Demain sera une autre journée éprouvante et fatigante, pensa-t-il.
l'vieux
A la lueur d'une bougie, Gahard reprit sa plume et commença à tracer de fines runes sur son livre.
Voici ce que donnerait la traduction en langage commun (et sans l'accent qui n'est que oral, notamment quand celui-ci parle le commun) du texte écrit par le vieux nain.
Voici ce que donnerait la traduction en langage commun (et sans l'accent qui n'est que oral, notamment quand celui-ci parle le commun) du texte écrit par le vieux nain.
Le vieux nain éteignit sa bougie plongeant ainsi la caverne dans un noir réconfortant loin de tout le chahut qui avait suivi l'incident.Gahard a écrit : Une histoire d'arbre, 13 Elavrio 369
Les mines de Séridia sont de véritables pièges pour les mineurs. Les parois ont été fragilisées par la maladresse de certains aventuriers. Ainsi ici à Thyl Dur, j'ai échappé à plusieurs reprise à des éboulements. Il serait temps d'étayer cela de façon correcte.
Il est vrai que l'on trouve de tout dans cette mine, de bons et honnêtes mineurs Nains mais aussi des Elfes de toutes les couleurs sans compter les bleus. Ce sont ceux là qui fragilisent nos mines et apporte le malheur dans nos familles. Déjà leur magie ne fait pas bon ménage avec la pierre et nos pioches se brisent au lieu d'être en harmonie avec elle. Ensuite, quand ils se prennent pour de bons mineurs, ils massacrent nos mines et c'est sans compter le pillage des richesses qu'Hamal, qu'il soit loué par tous, nous a fait don.
Comme un bon nain digne de ce nom, j'ai voulu aider les miens en faisant ce que je savais faire de mieux : rendre cette mine plus solide et moins dangereuse pour tout le monde et même pour ces Elfes incompétents. Au moment de couper un arbre avec l'aide d'un jeune nain, je me suis fait agresser par cet Elfe hautain et méprisant. Il m'a accusé d'abimer une maison et les choses ont été de pis en mal lorsque le patrouilleur nain est arrivé pour me rouspéter comme un enfant. Un nain qui aidait les Elfes, je n'avais jamais vu ça. Déçu pour la deuxième fois par ce nain, je suis retourné dans ma mine.
Par la suite, il est revenu me faire la morale et me menacer en me demandant quelle était mon age comme si j'étais un jeune irresponsable. Moi qui ait vu les trois premiers navires partir dans un voyage sans retour avec tant de guerriers Nains et Galdurs alors que j'étais dans la fleur de l'age et ce bien avant les premiers navires éperons. Je suis maintenant trop vieux, pour jouer à la guerre comme lui et les choses ici ne sont pas comme chez moi. Jamais nous aurions accepté qu'un Elfe entre dans nos mines sans faire couler son sang et abattu ses arbres en représailles. Les choses sont vraiment différentes, certainement à cause de ce pouvoir de résurrection que les Landes font peser sur les aventuriers en ces terres. J'ai vécu de trop nombreuses années, si nombreuses que je ne les comptes plus depuis bien longtemps, pour savoir que ce cadeau se payera un jour.
Pour revenir à ce nain, il a menacé me renvoyer par ce navire qui m'a amené ici, comme si j'avais eu le choix de quitter ma cité et les miens. Maintenant, je commence à comprendre son attitude envers moi mais il se trompe et je lui laisse volontiers ce rôle de grand ancien dans cette région qui n'est pas la mienne. Je n'ai pas l'intention de faire de la politique en cette Terre, le prix à payer serait trop important pour moi.
La mine est déjà ma peine et j'y serai condamné jusqu'à la fin